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Les nouvelles lettres de l’oncle sont adressées à Françoise maman. Françoise atteint à sa trentième année. La dernière page du livre se termine par ces mots : « Françoise n’a plus besoin de conseils. Adieu, Françoise... »

En écrivant ces mots, je crois que l’oncle dut avoir un peu de tristesse. Mais Françoise le rappellera. Elle n’a plus besoin de conseils ? .. Si !... L’oncle refusera-t-il de lui enseigner l’art des années qui suivent la trentième, l’art d’être un peu moins jeune de jour en jour, et puis l’art de ne plus être une jeune femme, et puis l’art de vieillir, qui réclame tant de prudence. L’oncle l’abandonnera-t-il ?

En attendant, cette Françoise est une maman ; et elle doit préparer, pour l’existence de demain, ses deux bambins, fille et garçon.

Sous la forme de lettres familières, c’est un traité complet d’éducation que lui donne M. Marcel Prévost.

L’auteur des Lettres à Françoise maman ne se dissimule pas qu’il a eu des précurseurs et que les livres de pédagogie abondent. Précisément, ils abondent !... C’est un mauvais signe. Françoise ne va point assumer une si abondante lecture, pauvre petite. Parmi ses précurseurs, l’oncle de Françoise distingue l’archevêque de Cambrai et le philosophe de Genève. Il a pour eux beaucoup d’estime et de l’admiration. Cependant il ne lui semble pas que Françoise ait là ses guides suffisans. D’abord, l’archevêque et le philosophe ont écrit pour des temps qui ne sont pas le nôtre.

Le nôtre est-il donc si particulier ? Il l’est. Et ne posons pas la question de savoir si nous l’en féliciterons.

Ce temps, M. Marcel Prévost le prend tel qu’il le trouve, et sans le juger. Il n’en est pas enchanté, probablement ; et, non plus, il ne le déteste pas. Françoise, avant d’élever ses enfans, ne va pas réformer cette époque-ci ; il faut que Françoise élève ses enfans pour leur époque.

Aux approches de 1789, il y avait en France une jeune génération formée selon les meilleurs principes de l’ancienne pensée française. Mais tout l’état de choses fut soudain bouleversé. Il arriva que notre pays eut, à son service, une jeunesse éperdue. On ne pouvait prévoir la débâcle révolutionnaire et sa déconcertante brusquerie.

Tout en réservant ces surprises et ces hasards, sur lesquels