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avait avant lui. Nous n’avons que trop de ces inventeurs qui font semblant d’improviser la vie. M. Marcel Prévost n’a point commis cette erreur. Il est hardi, mais il est prudent : il ne craint pas les nouveautés, mais il respecte les antiquités.

Ainsi son livre a le mérite d’une véritable sagesse. C’est un bon livre et un livre aimable ; c’est un livre où l’on sent que l’auteur a conscience de ses responsabilités. Nulle décision n’y parait prise à la légère ; chaque page contient le résultat d’une méditation qui a tenu compte des faits et ne s’est point lancée aux idées avec désinvolture, mais y monta très attentivement. C’est un livre charmant, digne d’être le conseiller, le compagnon de Françoise, la jeune femme qui a dans ses mains la destinée de ce pays.


Ce livre a encore une autre séduction : sa mélancolie. J’ose à peine le dire ; à peine l’ai-je dit, je le regrette. La mélancolie n’est point ici ou là, dans une lettre ou dans une autre. Non ; et même, il y a, dans tout le livre, une confiance, une vaillance, une allégresse de santé, de tâche bien faite, enfin d’espoir. La mélancolie, je ne sais pas exactement où elle est ; on l’éprouve aux derniers feuillets tournés ou, mieux, l’on s’aperçoit qu’elle est venue avec lenteur et qu’elle vous pénètre.

D’où est-elle venue ? De la gravité du sujet, peut-être, et du sentiment si juste avec lequel l’auteur l’a pris. Et puis de tout le souvenir lointain qu’évoque la peinture d’une nouvelle enfance. Et puis de la différence que nous apercevons entre les enfans d’aujourd’hui et les enfans que nous étions. Il nous semble que les années s’accumulent comme des nuages qui empêchent le ciel de briller. Même si un tel retour sur soi est un peu ridicule et inutile, comment l’éviter. ...

L’éducation, je me la figure avec mes souvenirs, sous l’emblème d’une grande et vieille maison de province, où il y a beaucoup d’espace et des recoins privilégiés, où il y a des alcôves, des greniers, des armoires, où il y a de larges embrasures de fenêtres : et l’on s’y tient, à broder et à causer doucement, tout l’après-midi, jusqu’à l’heure où tombe le soir ; alors, on lève les rideaux, pour attraper le reste de jour, et ensuite arrive la lampe, qu’une servante lumineuse apporte. C’est une vieille et