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Une dernière fois, je regarde pâlir
La pourpre du soir sur l’Hymette ;
Je vois la nuit et la distance ensevelir,
Sous une brume violette.
Le Lycabette.

Salamine n’est plus qu’un nuage léger,
Qui dans le lointain s’évapore ;
Demain, nous saluerons un rivage étranger :
Pour nous, là-bas, vers le Bosphore,
Naîtra l’aurore.

Je m’assieds à la poupe afin de goûter mieux
L’heure suave et taciturne.
Et sur mon front s’épanche en flots silencieux,
Comme un baume coule d’une urne,
La paix nocturne.

Voici que tout à coup glisse dans l’air marin
Un souffle qui vient de la rive ;
L’odeur du thym, du myrte en fleurs, du romarin,
Furtive caresse, m’arrive
Si chaude et vive !

Qu’il est délicieux, cet arôme puissant.
Adieu suprême de la Grèce !
C’est elle ; je frémis en la reconnaissant,
Je la respire avec ivresse.
L’enchanteresse !

Je foule les sentiers pleins de parfums exquis
Où l’essaim doré des abeilles
Bourdonne, où chaque soir planent sur les maquis
Des nuages, formes vermeilles
Aux dieux pareilles.

Rapides jours, enfuis déjà, vous renaissez ;
splendeur disparue et morte,
Je te possède encore un peu ! Bonheurs passés,
Cette brise légère et forte
Vers vous m’emporte.