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Ainsi l’amour perdu, le jeune et bel espoir,
Lorsque pour jamais on les quitte,
Semblent parfois revivre ; à notre horizon noir,
Leur flamme un moment ressuscite
Et s’éteint vite.

Au crépuscule, ainsi, nos songes sont bercés
Par tous les enivrans arômes
Des paradis trompeurs dont nous fûmes chassés ;
Ces soupirs, ces reflets, ces baumes.
Sont des fantômes.

O souvenirs, parfums dispersés sur la mer
Immense où nous voguons sans trêve.
Spectres des jours heureux, le vent du gouffre amer
A nos cœurs déçus vous enlève,
Ainsi qu’un rêve !


L’ANÉMONE


Anémone au sein noir, à la robe éclatante,
Fille du grand soleil et du vent printanier.
Tout fleurit ; le jardin est comme un prisonnier
Que l’on délivre enfin, après la longue attente.

Tout resplendit, mais ta beauté d’abord me tente ;
Parmi l’herbe, de loin, j’aime à te voir ployer
Et dans la brise et la lumière chatoyer,
Flamme multicolore, étoile palpitante.

Toi que j’allais cueillir au bord d’un golfe bleu.
Au pays qui m’est cher, je suis ta sœur un peu,
Enfant du sol latin, fleur de Grèce et d’Asie.

Sous le voile changeant, le masque aérien
Que de mille couleurs tisse ma fantaisie.
S’abrite un cœur plus sombre encore que le tien,