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REVUE DRAMATIQUE


Comédie-Française : Iphigénie, tragédie en cinq actes en vers par Jean Moréas. — Poil de Carotte, un acte par Jules Renard. — Odéon : Esther princesse d’Israël, drame en quatre actes en vers par MM. André Dumas et Sébastien-Charles Leconte. — La Foi, pièce en cinq actes par M. Eugène Brieux.


Nous nous plaignons parfois et avec raison de ne pas voir assez souvent reparaître sur l’affiche de nos théâtres subventionnés les titres d’œuvres fameuses qui font partie de notre patrimoine littéraire et de notre tradition classique. On vient de nous donner Iphigénie à la Comédie-Française et Esther à l’Odéon. Seulement, cette Iphigénie n’est pas l’Iphigénie de Racine, cette Esther n’est pas l’Esther de Racine. Des écrivains ont été d’avis que Racine n’avait pas tout dit sur Iphigénie et qu’on pouvait, après Racine, présenter Esther au public français. Ils n’ont certes pas prétendu se comparer eux-mêmes à Racine, qui avait tant de talent ! Ce serait une injustice de leur reprocher ce manque de modestie ou cette imprudence. Mais, pour ce qui est de leurs pièces, il faut bien les comparer à celles de Racine, et même la comparaison s’impose, puisque le sujet est le même, et que, malgré tout, le spectateur français sait encore son Racine par cœur. Voici donc des auteurs d’aujourd’hui qui conçoivent une autre manière de traiter les sujets de Racine, une manière qui peut-être eût été celle de Racine, si Racine n’eût été retenu par les habitudes et le goût de son temps. N’est-ce pas leur droit ? « Les sujets, se disent-ils, appartiennent à tout le monde. Et Racine n’avait pas même inventé les siens ! Il les empruntait au théâtre grec, aux livres saints. En les empruntant, il les altérait. Il laissait tomber des traits devant lesquels reculait la timidité de la raison classique. Ce n’était pas sa faute, et, vivant dans son