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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/935

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leurs étranges répliques ? Peut-être nous prépare-t-on quelque part une Andromaque, une Bérénice, une Athalie nouveau style. Je supplie alors les directeurs de théâtres subventionnés de répondre aux auteurs qui les leur apporteront : « Nous avons déjà des pièces de ce nom-là. Elles valent ce qu’elles valent. Mais nous sommes obligés de nous y tenir... « 


J’ai dit que la Comédie-Française s’est annexé l’acte tiré par Jules Renard de son roman Poil de Carotte. La pièce est connue : ce n’est d’ailleurs pas une pièce de théâtre. L’œuvre est classée : ce n’est d’ailleurs pas le chef-d’œuvre et le puissant effort de l’esprit humain que célèbrent quelques admirateurs de Jules Renard, avec cette manie de l’outrance, cette prodigalité dans l’hyperbole, et cette totale absence du sentiment de la mesure qui caractérisent notre époque. C’est une scène de mœurs à la Henry Monnier, d’une notation aiguë, pénible, déplaisante et parfaitement rendue. Elle était tout à fait à sa place au Théâtre-Antoine ; elle y est moins bien à la Comédie-Française. Je m’empresse d’ajouter qu’elle a eu la bonne fortune d’y rencontrer une interprète de premier ordre. Mlle Leconte est, dans le rôle de Poil de Carotte, merveilleuse de sensibilité contenue, d’ironie émue, de malice et de mélancolie. On lui a fait un succès enthousiaste, et c’était justice. Les autres rôles sont très bien tenus par M. Alexandre et Mlle Dussanne.


Alexandre Dumas fils a noté naguère cette évolution qui se produit presque nécessairement dans l’œuvre de l’écrivain de théâtre, quand celui-ci, non content d’être un amuseur et de secouer les grelots du rire, a prétendu agiter des questions et mettre des idées à la scène. Peu à peu la partie de philosophie déborde sur l’autre ; l’équilibre est rompu entre les deux élémens, pensée et action. La nouvelle pièce de M. Brieux en est un exemple. De tout temps M. Brieux a été très préoccupé de questions morales et sociales, et très soucieux démettre des idées dans ses pièces. C’est sa marque et son honneur. Il aborde maintenant le problème le plus ardu qui soit, et aussi le plus vaste et le plus profond, et encore le plus troublant, le plus angoissant, celui où l’on ne cherche qu’en gémissant : le problème religieux. C’est le sujet de la Foi, qui nous revient, elle aussi, de Monte-Carlo, où elle fut jouée en 1909 avant de passer à l’Odéon. L’Odéon fait beaucoup d’emprunts au théâtre de Monte-Carlo. Question de décors sans doute. Car la pièce de M. Brieux nous est présentée avec une figuration