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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/945

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répondre l’un des biographes et critiques anglais les plus consciencieux, M. Lewis Melville, dans les deux gros volumes qu’il a consacrés à l’histoire de Caroline de Brunswick ; et rarement un livre de l’espèce de celui-là est arrivé plus à propos, avec un magnifique appareil de documens inédits ou peu connus qui, dès le premier jour, ont été abondamment reproduits et commentés dans toute la presse anglaise, assurant d’emblée à l’ouvrage de M. Melville une place d’honneur parmi les publications historiques de ce temps.

Désormais, grâce à ce remarquable ouvrage, je serais tenté de dire que la vie et le caractère de Caroline de Brunswick n’ont plus pour nous rien de caché. Des innombrables témoignages contemporains que nous a offerts le nouveau biographe, mais surtout des citations qu’il nous fait du témoignage constant de la princesse elle-même, nous voyons se dégager une figure à la fois si simple et si nette que nulle hésitation ne nous est plus possible sur le plus ou moins de justesse des différens griefs élevés contre elle. D’un seul coup, grâce au patient et lumineux travail de M. Melville, la destinée de Caroline de Brunswick se dépouille de ce qu’elle avait, hier encore, de trouble et d’obscur : au lieu d’une héroïne de roman, singulière et perverse, nous découvrons une pauvre femme qui, cruellement accablée sous le double poids de la solitude et de la souffrance, se transforme de plus en plus en un type curieux de vieille demoiselle excentrique, — du genre de ces institutrices allemandes qu’on rencontre parfois vêtues de costumes invraisemblables, et traînant à leur suite une demi-douzaine de chiens ou de chats familiers.


An injured Queen : ces mots, qui servent de titre au livre de M. Melville, sont l’épitaphe que Caroline elle-même a désiré faire graver sur son tombeau. Ils ne signifient pas seulement : « une reine injuriée, outragée, « mais bien quelque chose comme : « une reine qui a été privée de ses droits. » C’est assez dire que l’intention du biographe a été de réhabiliter la princesse de Galles, en prouvant la fausseté absolue des accusations au moyen desquelles ses ennemis ont tâché à la « priver de ses droits. » Mais il ne résulte aucunement de là que M. Melville ait voulu nous faire admirer la figure de cette princesse, injustement accusée. Son livre nous la montre telle qu’elle était, avec d’éminentes qualités de cœur unies à l’énergie la plus indomptable, mais aussi avec toute sorte de défauts dans l’intelligence et le caractère qui ont de quoi nous expliquer, au moins en partie, ce qu’on pourrait prendre d’abord pour un acharnement exceptionnel