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Un journal de caricatures représentait Bismarck et le Pape se tendant la main par-dessus le bataillon du Centre, qui esquissait, contre l’un et contre l’autre, des mines agressives. Bismarck assurément trouvait goût à ce genre d’images ; mais il savait fort bien, à part lui, que le Centre, sur le terrain de la politique religieuse, suivrait le Pape. Et c’était pour Bismarck une joie de despote, de sentir que Windthorst était comme acculé à changer d’attitude, que Windthorst, quelque temps durant, ne pourrait plus être un agressif ; le chancelier insistait cruellement, et se gardait bien d’ailleurs de le remercier pour le changement. Conquérir Windthorst était devenu inutile, puisque Windthorst, finalement, devrait obéir à Léon XIII. Alors, plus hautain que généreux, Bismarck proclamait : « Je considère M. Windthorst comme intransigeant, comme cuirassé d’un triple airain, en tant que guelfe, en tant que chef de file dans le Culturkampf, en tant qu’ami des progressistes. Cela me détourne de tenter effort près de lui. J’ai abandonné la partie. »

Windthorst, peu après, envoyait à Vienne, à son ami Onno Klopp, les comptes rendus de ce débat. « Si à Rome on étudie, lui disait-il, je tiens à ce qu’on se convainque qu’il s’agit en Pologne d’un Culturkampf de la plus atroce espèce... »

Les lignes de Windthorst décelaient un découragement inquiet. Bismarck, au Landtag, se targuait de n’avoir plus besoin des hommes du Centre ; allait-on, à Rome aussi, parler et agir comme si l’on n’avait plus besoin d’eux ? Une petite image populaire circulait, où les plus pessimistes d’entre eux redoutaient de lire l’histoire du jour, tout au moins celle du lendemain : on y voyait, tout en larmes, une petite pastoure qui avait les traits de Windthorst ; et du haut d’une fenêtre, la toisant, la méprisant, une autre pastoure, — c’était Bismarck, — se laissait caresser par un berger, Léon XIII.

Bismarck voulait, pour ses prochains projets de loi, se mettre complètement d’accord avec le pasteur suprême, et l’accord lui garantirait, finalement, les voix du Centre. Et pour éviter que dans les commissions parlementaires ses projets de loi ne fussent bouleversés, comme en 1882, comme en 1883, par l’adroite manœuvre d’un Windthorst, il allait, cette fois, s’adresser tout d’abord à la Chambre des Seigneurs : c’est sur le bureau de cette Chambre que, le 14 février 1886, un nouveau