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l’effacement momentané de ce parti ; et Bismarck, plus qu’à demi vaincu, allait prendre encore des airs de vainqueur.

C’était bon pour des nationaux-libéraux, de gémir sur la défaite essuyée dans le Culturkampf : il s’occupait, lui, sans épiloguer sur cette défaite, de satisfaire encore les deux haines qui l’avaient engagé dans la lutte et qui sans cesse l’y avaient soutenu, sa haine contre la Pologne, sa haine contre Windthorst ; il les satisfaisait l’une et l’autre avec une sorte de volupté, au moment précis où, faisant l’aimable avec le Pape, il entreprenait la démolition des lois qui déplaisaient au Pape.

Léon XIII, désespérant, pour l’instant, de pouvoir installer un Polonais sur le siège de Posen, et voulant rétablir dans ce diocèse une vie religieuse normale, acceptait, en janvier 1886, la démission de Ledochowski, et lui donnait comme successeur l’Allemand Dinder, dont l’archevêque Krementz vantait la sagesse et l’esprit d’équité. Les susceptibilités des Posnaniens furent mortifiées ; de Galicie, des cris s’élevèrent jusqu’à Léon XIII, lui demandant de revenir sur un tel choix. La Pologne se crut abandonnée par l’Eglise ; et, comme les membres de la fraction polonaise entendaient, dans les cercles politiques de Berlin, certains fanatiques très écoutés réclamer une germanisation plus complète de la Posnanie, ils se demandèrent si Rome et le germanisme avaient lié partie contre la Pologne. Il ne déplaisait pas à Bismarck d’exacerber leurs anxiétés ; c’était comme une vengeance de ses propres déceptions.

Le 28 janvier 1886, à l’époque même où sa politique le rapprochait définitivement de Rome, il s’efforçait, au Landtag, d’établir l’hostilité du polonisme contre l’État prussien. Windthorst riposta que, derrière le polonisme, on frappait le catholicisme ; il était d’ailleurs très modéré de ton, et, faisant allusion aux pourparlers qui s’essayaient à Rome, déclarait qu’il voulait se tenir sur le terrain de la défensive. Mais Bismarck, avec une ironie qui jouissait d’elle-même, longuement et lourdement, commentait cette déclaration :


M. Windthorst, disait-il, a manifesté un certain sentiment de surprise et comme une impression nouvelle pour lui, quand il a dit qu’il se trouvait aujourd’hui, ici, sur la défensive ; je prie d’en conclure, — tellement il est accoutumé à l’offensive, — que celle-ci est proprement son élément naturel, habituel… Peut-être cette abstention de l’offensive, offensive nullement provoquée, n’est-elle pas encore et d’ailleurs tout à fait volontaire.