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Léon XIII, sans s’exagérer le péril, sut le mesurer ; il avait hâte, désormais, d’une paix définitive avec l’Etat, pour que dès le lendemain de cette paix l’Église se retrouvât une, dans l’obéissance et dans l’apostolat. Windthorst, toujours défiant de Bismarck, exprimait au nonce Di Pietro sa crainte que la Prusse ne fit attendre le projet de loi promis ; mais le Vatican avait des assurances formelles, et il y croyait.

Un retard cependant allait surgir, et puis, avec ce retard, des complications nouvelles. A la fin de 1886, Bismarck n’avait pas le temps de songer aux prêtres ; c’était aux soldats qu’il songeait ; et toute affaire cessante, il allait se tourner vers Léon XIII pour que la Papauté, de tout le poids dont désormais elle pesait en Allemagne, fit pression sur le Centre, et pour qu’elle l’induisit à fortifier la puissance militaire de l’Empire.


IX

Bismarck voulait que le Reichstag, pour sept années, augmentât le contingent militaire et, d’avance, votât les crédits. Le 25 novembre 1886, le projet fut déposé. En 1874, en 1880, les deux premiers septennats avaient été votés malgré Windthorst ; le Centre, par scrupule constitutionnel, s’était toujours refusé à engager pour sept ans la signature du peuple allemand. Mais pour qu’aujourd’hui dans le Reichstag le troisième septennat trouvât une majorité, il fallait que Windthorst s’y ralliât. La fraction du Centre sentit sa responsabilité : elle tint séance, dès les derniers jours de novembre, pour examiner la situation. Le surcroit d’obligations militaires, le surcroît de charges financières, dont les populations allemandes étaient menacées, provoquait dans les masses une émotion très vive : le Centre la connaissait, il la partageait ; et Windthorst, le 29 novembre, écrivant au nonce de Munich, déclara n’avoir pas encore trouvé le terrain de conciliation qui pût favoriser l’accord entre le Centre et le gouvernement. Le public parlait de certains marchés : une caricature montrait Bismarck et Windthorst échangeant leurs cartes, et le chef du Centre disant au chancelier : Pour un Jésuite, je vous donnerai trois soldats. Le caricaturiste était mal informé : ce n’était point avec Windthorst que Bismarck négociait : c’était avec le Pape, par-dessus Windthorst. La santé du cardinal Jacobini, qui devait mourir peu de semaines après,