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Ainsi, par exemple, sous une pression de 10 atmosphères, l’eau ne bout qu’à 180° et il faut élever la température à 365° pour la faire bouillir sous une pression de 200 atmosphères. De sorte qu’en s’y prenant bien on pourrait faire fondre de l’étain et même du plomb dans l’eau !

La théorie explique tout cela très bien, — c’est la force des théories de très bien expliquer tous les phénomènes... après coup : — la vapeur qui s’échappe de l’eau chauffée a évidemment une pression, une force élastique d’autant plus grande que réchauffement est plus vif ; or l’ébullition se produit lorsque la pression extérieure ne suffit plus à contre-balancer celle de la vapeur qui monte du liquide. L’ébullition ne peut donc pas se produire avant que la tension de la vapeur ne soit égale à celle de l’atmosphère où elle s’échappe ; et ceci explique immédiatement les faits précédens.

Nous voilà, semble-t-il, bien loin des basses températures. Nous y touchons au contraire : lorsque de l’eau s’évapore en partie, elle se refroidit avec intensité, ou du moins sa transformation en vapeur ne peut se faire qu’avec une assez vive absorption de chaleur. C’est ce qui produit le froid intense qu’on éprouve au sortir du bain ; c’est pourquoi aussi les liquides très volatils (alcool, éther, ammoniaque), versés sur l’épiderme en petite quantité, y produisent une sensation de froid ; c’est enfin la propriété qu’utilisent à leur insu, — si on veut me permettre cet exemple familier, — les dîneurs pressés qui soufflent sur leur potage pour le refroidir, et y réussissent en augmentant l’évaporation à sa surface. Et voilà expliquée cette jolie expérience : une carafe d’eau mise sous la cloche d’une machine pneumatique se met à bouillir violemment, puis brusquement se prend en glace. De même si on a de l’eau bouillant à 200° dans une chaudière, et qu’on diminue dans celle-ci la pression, par exemple en la mettant en communication avec l’atmosphère, la température du liquide s’abaissera immédiatement à 100° sans que l’on ait pourtant diminué le moins du monde la chauffe.

En abaissant la pression au-dessus d’un liquide bouillant, on obtient donc un abaissement de sa température. Mais, si l’idée de Lavoisier est exacte, les corps que nous considérons comme des gaz, et en particulier ceux de notre atmosphère, ne sont que les vapeurs de liquides bouillant à très basses températures, et qui ne peuvent exister à l’état stable dans les conditions ambiantes de température et de pression. On réalisera donc le froid artificiel en liquéfiant ces gaz par la compression, puis en les faisant évaporer. La compression est en effet