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épaisseur. L’air liquide lui-même a une teinte bleutée d’autant plus nette qu’il est plus oxygéné. Certes il n’est pas certain qu’un corps ait la même couleur à l’état liquide qu’à l’état gazeux. Il n’en est pas moins vrai que ceci suggère immédiatement une explication d’un phénomène qui a déjà soulevé des douzaines de théories plus imparfaites les unes que les autres : le bleu du ciel.

Les basses températures modifient de la façon la plus surprenante les propriétés de la matière.

Les affinités chimiques tout d’abord sont fortement diminuées par les froids intenses, et comme engourdies par eux. Pour ne prendre qu’un exemple, le potassium qui, aux températures ordinaires, a des affinités telles pour l’oxygène qu’il l’arrache en la décomposant à l’eau dans laquelle on le plonge ; le potassium, dis-je, peut être plongé impunément dans l’oxygène liquide. Les actions photographiques, — qui sont comme chacun sait des actions photochimiques, — deviennent cinq fois moins rapides à — 180°. Il y a, il est vrai, une ou deux exceptions telles que la combinaison foudroyante du fluor solide avec l’hydrogène liquide. Mais quelle est l’exception qui, même en matière de science, ait jamais réussi à infirmer une règle ?

L’oxygène est, comme on sait, magnétique, quoique à un degré moindre que le fer ; il est donc ainsi devenu possible d’extraire, à l’aide d’un simple aimant, l’oxygène de l’air !

Un grand nombre de corps usuels, fleurs, fruits, caoutchouc, etc., deviennent à ces températures cassans et friables. L’acier y perd totalement son élasticité ; en revanche, sa résistance à la traction augmente au point qu’à — 180° un fil de fer peut supporter un poids double de celui qui suffit à le rompre à la température ordinaire.

Mais le plus étonnant des effets physiques du froid est sans doute son action sur les propriétés électriques des métaux. On sait qu’un fil de cuivre d’une certaine dimension et d’un certain diamètre présente au passage du courant électrique une résistance moindre que celle d’un fil identique de fer, et moindre aussi que celle d’un fil de cuivre moins gros. Cette faculté de laisser passer plus ou moins l’électricité est la conductibilité du métal. Or celle-ci croît dans des proportions énormes avec le froid ; à — 180°, elle est cinq fois plus grande qu’à la température ordinaire ; à — 250°, elle est cent fois plus grande ; à la température de l’hélium liquide, elle est devenue dix millions de fois plus grande.

On comprend, dans ces conditions, qu’un célèbre physicien anglais ait pu, avec une apparence de logique, proposer d’utiliser l’air ou l’hydrogène