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rapidement en vapeurs comme ferait de l’eau portée brusquement dans un four chauffé au rouge. C’est ainsi que la glace elle-même est quelque chose de très chaud par rapport aux — 193° de l’air liquide bouillant à l’air libre ; en projetant un morceau de glace dans un flacon contenant ce liquide dont nous reparlerons à l’occasion des brillans travaux de M. Georges Claude, on voit une violente ébullition s’y produire. C’est la « bouillotte magique » qui étonne toujours beaucoup les habitués de music-halls.

On est arrivé néanmoins à conserver très longtemps à l’air libre les gaz liquéfiés grâce à un ingénieux artifice dû à mon maître, M. d’Arsonval et au professeur Dewar, et qui consiste à les enfermer dans des récipiens formés d’une double enveloppe de verre où l’on a fait le vide et dont la surface interne est argentée. Le vide intermédiaire empêche la chaleur extérieure de se transmettre au liquide par conductibilité : l’argenture l’empêche de s’y transmettre par rayonnement, de même que des vêtemens blancs, en réfléchissant la chaleur solaire, la laissent moins que les noirs parvenir jusqu’au corps. Grâce à ces récipiens spéciaux, on est arrivé si bien à isoler thermiquement à l’air libre les gaz liquéfiés et l’air liquide en particulier, que sur leur surface extérieure ne se dépose même pas la plus petite trace de givre due à la congélation de la vapeur d’eau atmosphérique. Le vide et l’argenture maintiennent donc, entre les deux parois que séparent moins de 5 millimètres, une différence de température voisine de 200° ! Quand on manipule l’hydrogène liquide qui bout à — 250° à l’air libre ou l’hélium, on prend en outre la précaution d’immerger le récipient à double enveloppe dans un bain d’air liquéfié qui ralentit encore le refroidissement. Pour donner une idée de la température réalisée dans un tel récipient d’hydrogène liquide, signalons seulement qu’il suffit d’enlever le tampon d’ouate qui en forme le col pour voir l’air ambiant se condenser au bord de celui-ci sous forme de givre formé d’air solide.

La plupart des gaz réfractaires se présentent une fois liquéfiés sous la forme de liquides incolores et transparens comme l’eau et, si on les solidifie, sous la forme de neiges blanches ou de glaces translucides. L’hydrogène à ce point de vue a déçu les savans qui, d’après ses propriétés, étaient portés à le considérer plutôt comme un métal que comme un métalloïde. A l’état liquide comme à l’état solide (il fond à — 258°) il est transparent et léger et n’a nullement l’éclat métallique.

L’oxygène liquide est à un certain point de vue une exception : il n’est pas incolore, mais d’une jolie couleur bleue, même sous une faible