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et pesant » (v. 1412), et voici que ces vers sonnent par deux fois comme des glas (v. 1401, v. 1420) :


Franceis i perdent lor meillors guarnemenz.
Ne reverrunt ne peres ne parenz.
Ne Carlemagne ki as Porz les atent.


Ils ont défait pourtant la première armée sarrasine. Une deuxième entre en ligne.

Dans cette seconde bataille (v. 1449-1660), il ne sera plus question de vaincre. Elle s’ouvre, comme la première, par un discours de Turpin, mais combien différent de l’autre ! Car Turpin n’exhorte plus les barons à bien mourir, s’il le faut ; il constate seulement qu’il ne leur reste qu’à bien mourir (v. 1518) :


 »Asez est mielz que moerium cumbatant.
Pramis nus est fin prendrum aïtant :
Ultre cest jurn ne serum plus vivant.
Mais d’une chose vos sui je ben guarant :
Seint Pareïs vos est abandunant ;
As Innocenz vos en serez seant. »


Ils se savent désormais des martyrs ; mais, dit le poète, leur allégresse de se battre s’en accroît :


A icest mot si s’esbaldissent Franc
Cel nen i ad Munjoie ne demant.


Tandis que dans la première bataille, chaque laisse amenait la mort d’un pair païen, dans la seconde, des combats, narrés de même en laisses symétriques, s’achèvent chacun par la mort d’un pair chrétien. Roland voit tomber tour à tour Engelier de Gascogne, Samson, Anseïs, Gerin et Gerier, Berengier... Lui qui peut sauver encore le reste de la noble « maisniee, » est-il donc entendu qu’il ne veut pas ? Ou bien en serait-il resté, lui seul, à espérer la victoire ? Serait-il seul à ne pas comprendre ?

Non : lui aussi, il sait désormais, il voit. Cherchez en effet dans tout le récit de cette seconde bataille le propos qu’il répétait si souvent dans la première, qu’il était sûr de vaincre, vous ne l’y retrouverez pas. Il parle plusieurs fois dans la mêlée, et c’est pour répéter les mêmes argumens qu’il employait au début :


« Male chançun n’en deit estre cantee... »
« Pur itels colps nos ad Charles plus chiers... »
« Devers vos est li orguils et li torz... »