jusqu’au moyen âge, obscur abime d’ignorance extravagante, d’où émergent, radieux d’une éternelle aurore, les palais et les cathédrales de l’architecture la plus fantaisiste et la plus multiforme que le monde ait jamais vue ; depuis l’Egypte des Ptolémées, qui jette les dernières splendeurs de la beauté grecque sur les opulentes demeures du monde méditerranéen, jusqu’à la Rome papale et à la Venise du XVIe siècle, qui étalent aux yeux du monde les pompes superbes des pierres, des velours, des soies, jusqu’à la France du XVIIIe siècle, qui immortalise ses trois souverains par trois styles d’un art décoratif promptement imposé au monde ; depuis Auguste, qui protège Horace et Virgile et qui reconstruit en marbre la ville de briques, jusqu’à Louis XIV, qui protège Racine et Molière, et à la marquise de Pompadour, qui veut faire de Paris la capitale des élégances ; la suprême ambition et le suprême effort de tous les potentats du passé dignes de leur propre fortune ne furent-ils pas de rendre éternelle une forme de la beauté ? Et que de peine ne s’est-on pas donné pour établir dans le monde le règne de la sainteté et de la justice, ou de l’une et l’autre à la fois, depuis l’Empire romain, qui crée le droit, jusqu’au Christianisme, qui veut purifier la nature humaine de la souillure du péché, jusqu’à la Révolution française, qui annonce au monde l’avènement de la liberté, de l’égalité, de la fraternité ! Ainsi donc les hommes se sont acharnés, dans la suite des siècles, à chercher partout un miroir de perfection qui n’existait nulle part, jusqu’au jour où, vers le déclin du XVe siècle, apparut finalement l’homme « plus que divin, » comme Alverighi avait qualifié Christophe Colomb. « A chaque pas que Colomb faisait sur l’Océan, avait dit l’avocat, dans un langage tant soit peu biblique, la terre s’agrandissait d’un mille. » Mais, à mesure que l’homme vit le monde grandir de toutes parts, il se sentit plus petit ; et de là naquit en lui une envie, d’abord timide, mais bientôt devenue vigoureuse et hardie, d’égaler ses forces à la nouvelle grandeur du monde. Cette envie audacieuse, l’homme la réalisa en créant la science et la machine, et en se passionnant pour une idée nouvelle, expression de ses nouvelles ambitions et de ses nouvelles espérances : l’idée du progrès. Bref, la conquête de la terre par le moyen de la science et de la machine, c’était la geste glorieuse commencée sous le nom de progrès dans l’histoire du monde, depuis la découverte de l’Amérique ; et un effet lent, mais
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