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qu’il ne veut pas dire seulement la classe ouvrière, et que, d’autre part, il ne songe pas à opposer l’ouvrier au patron ; mais il veut dire, à coup sûr, comme il l’a déjà dit « la classe industrielle, » patrons et ouvriers compris, et, à coup sûr, il l’oppose dans son ensemble, en tant que classe productive, à la classe stérile, comblée d’honneurs et de bénéfices. A l’intérieur même de la classe industrielle, patrons et ouvriers ne lui apparaissent pas dans un antagonisme nécessaire, et ce n’est point par la guerre qu’il exprime leurs relations. Loin de là : « Les chefs des travaux industriels, affirme-t-il, sont les protecteurs nés de la classe ouvrière (la voilà, cette fois, comme classe, non pas séparée, mais distincte). Tant que les manufacturiers feront bande à part avec les ouvriers, tant qu’ils ne tiendront pas en politique un langage qui pourra être entendu par eux, l’opinion de cette classe très nombreuse et encore très ignorante ne se trouvant point guidée par ses chefs naturels, elle pourra toujours se laisser séduire par les intrigans qui voudraient faire des révolutions pour s’emparer du pouvoir. » Alors, dans le monde retourné et redressé, dans la société remise sur ses pieds, les « chefs de l’industrie » conseilleront les ouvriers, et seront eux-mêmes conseillés par « les publicistes, » avec qui ils s’associeront ; première idée, poussée en un cerveau plus aristocratique et plus sec, de la future alliance rêvée entre « les philosophes » et « les prolétaires. » Tout cet effort, pourquoi ? Pour une chimère d’égalité totale, la loi agraire, le partage des biens, le maximum, l’emprunt forcé ? Nullement, « il est temps d’en finir avec ces calomnies, » mais simplement « pour la liberté, le crédit, la solidarité, pour une égalité de dignité. » Ce qu’il y a de mieux s’attendre du suffrage universel, ou à en espérer, c’est qu’il ait pour puissant effet « de reconstituer, sur des rapports nouveaux, les groupes naturels du travail,... les corporations ouvrières. » Peut-être un de ces rapports nouveaux sera-t-il que, le domaine économique et le domaine politique se touchant jusqu’à être dans la dépendance l’un de l’autre, — et l’on s’en apercevrait mieux lorsque la classe industrielle aurait pris et occuperait son rang, — si la lutte du capital contre le salaire ne cesse pas, la victoire ne sera plus toujours assurée « aux grosses bourses, » mais quelquefois « aux gros bataillons. »

Pour l’instant, Saint-Simon veut voir, à l’ordinaire, d’un