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parfois en photographie, ce cliché, qui n’a peut-être jamais été fait et sur lequel je ne comptais guère, est le meilleur de mon voyage.

L’entrée principale était sous la colonnade qui donne si grand air à la façade. Une inscription rappelle la célèbre visite du roi Henri III, qui, à la nouvelle de la mort de son frère Charles IX, avait quitté subrepticement Cracovie, abandonnant sans regret un trône étranger pour monter sur celui de ses aïeux. L’accueil que lui fit Venise fut splendide ; les récits qui nous sont parvenus témoignent de la magnificence des fêtes qui eurent lieu à la fin de juillet 1574 et permettent, tant ils sont abondans, d’en suivre le détail jour par jour, presque heure par heure : c’est ce qu’ont fait MM. Pierre de Nolhac et Angelo Solerti dans une très intéressante publication qui mériterait d’être traduite en français. Une vieille amitié et une estime réciproque unissaient la République et le roi Très-Chrétien. A Venise, comme à Vienne, notre ambassadeur passait le premier, immédiatement après l’envoyé du Pape, si bien qu’ambasciatore tout court désignait le représentant de la France, comme s’il n’y en avait pas eu d’autre. On comprend l’émotion que souleva l’arrivée de Henri III, d’autant plus que sa fuite de Cracovie, — dont on ignorait les incidens un peu ridicules, — le parait d’une auréole d’intrépidité et d’audace. Toutes les classes de la société rivalisèrent d’enthousiasme ; l’ambassadeur Du Perrier pouvait écrire au Roi : « A la vérité. Sire, il faut que je vous die qu’il n’y a aujourd’huy homme ny femme de la ville, de quelque condition que ce soit, qui ne s’estudie à vous honorer... Les octogénaires et centenaires craignent de mourir avant de vous voir... » Le Sénat prit une série de mesures exceptionnelles ; il décida de faire dresser un arc de triomphe au Lido, à l’endroit où le roi devait débarquer, et chargea Palladio de cette construction, qui fut achevée en moins d’un mois. Nous avons la bonne fortune de posséder deux reproductions de l’œuvre du grand architecte : l’une dans le tableau de Vicentino qui orne la salle des Quatre-Portes au Palais Ducal, l’autre dans une gravure de Zenoni, à l’Université de Padoue ; celle-ci est infiniment précieuse, parce qu’on y distingue nettement les détails et les inscriptions de l’arc palladien.

Après dix jours de fêtes, Henri quitta Venise. Le cortège