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murs sont décorés de médaillons de marbre représentant la suite des doges et les membres de la famille. La place d’honneur a été réservée à un très beau buste de vieille femme : la nourrice de Pisani. Ce masque de paysanne est d’un réalisme admirable, avec ses traits accentués et ses pommettes saillantes sous la peau ridée : quel que soit l’auteur inconnu de cette sculpture, elle lui fait honneur.

Le salon central est l’un des plus magnifiques que je connaisse. Au plafond, rayonne un Tiepolo, dont nous savons la date certaine, puisque, dans une lettre de décembre 1761, l’artiste parle de terminer, avant de partir pour l’Espagne, « la grandiose salle de la maison Pisani. » C’est donc l’une des dernières œuvres exécutées par Tiepolo en Italie, à l’époque où il était en pleine maîtrise. Pour glorifier les membres de l’illustre famille, — tel était l’objet de la commande, — l’artiste les a peints au milieu des attributs de la paix et de l’abondance, tandis que, sous les traits d’une reine coiffée d’une couronne crénelée et tenant à la main un sceptre qui a la croix pour cimier, Venise s’avance vers eux. Au-dessus plane la Vierge, dans un cercle formé par la Foi, l’Espérance, la Sagesse et la Charité. Au centre du plafond, en un raccourci d’une étrange hardiesse, une Renommée vole dans les libres espaces de l’air. De l’autre côté, il y a une certaine confusion et je n’ai pas bien démêlé le sens exact de toutes les figures qui symbolisent probablement, les unes la guerre et la peste, les autres les différentes parties du monde. Mais l’ensemble est prodigieux et, comme le déclare M. Molmenti, c’est bien « une des plus heureuses visions d’art qui aient jamais enchanté les regards. »

Seule, après cet éblouissement, la nature peut encore réjouir les yeux. Et le parc est digne de la villa. Ici aussi, on sent le souvenir de Versailles. Une longue avenue centrale, avec pelouses et pièce d’eau, conduit aux anciennes écuries, imposant bâtiment, presque un palais. De chaque côté, partent, dans toutes les directions, des allées qui aboutissent, soit à une porte, soit à une arcade, soit à un belvédère ; et chacune de ces constructions est d’une brillante décoration architecturale. Sous les arbres, s’élèvent également d’innombrables statues, portiques, vases et pavillons. Je crois bien qu’ici encore, comme dans les champs autour de la Brenta, tous les dieux et toutes les déesses de la mythologie sont représentés. J’aimerais mieux plus de