du sol humide. À l’Ouest, le regard embrasse une partie des monts Euganéens, parsemés de villages qui sont, suivant la juste comparaison d’Annunzio, « rosés comme les coquilles que l’on y trouve dans la terre par myriades. » Au Levant, s’étale l’immense plaine vénitienne, jusqu’aux lagunes de Chioggia et jusque à la ville anadyomène qu’on distingue par les temps clairs.
Fra l’Adige e la Brenta a pié’ dei colli
Che al troiano Antenor piacquer tanto
Con le sulfuree vene e rivi molli,
Con lieti solchi e prati ameni accanto…
C’est ainsi que l’Arioste célèbre la délicieuse position d’Esté, au
pied des dernières collines Euganéennes, au bord de la plaine
de l’Adige et de la Polésine. Pourquoi est-elle si délaissée des
touristes, cette cité qui garde je ne sais quel orgueil de sa grandeur passée ? Les guides la mentionnent à peine et Burckhardt
ne daigna point se déranger pour aller voir ses œuvres d’art.
Un peu à l’écart de la route de Padoue à Ferrare, les voyageurs
la négligent, bien qu’elle puisse leur offrir, en même temps
que de nobles souvenirs, une physionomie des plus agréables,
quelques bons tableaux et une collection d’antiquités fort bien
présentée dans un très moderne musée. Plus vieille que Rome,
elle fait remonter ses origines à Ateste, qui l’aurait créée après
la prise de Troie, tandis que son compagnon Anténor fondait
Padoue. Un de ses historiens n’hésite pas à déclarer qu’elle est
si ancienne et si fameuse qu’elle n’a rien à envier à aucune
autre cité du monde. Il exagère ; mais il faut reconnaître
qu’elle eut, à l’époque romaine, une importance établie par les
richesses artistiques de son sous-sol, et qu’aux temps modernes,
elle fut le berceau d’une des plus illustres familles d’Italie »
dont le sang se retrouve encore dans les maisons d’Angleterre
et d’Autriche-Hongrie. Les Este eurent leur apogée à la fin du
XIIIe siècle, avec le terrible Obizzo, le tyran que Dante nous
montre étouffé par son propre fils,
ch’è biondo
è Obizzo da Esti, il qual per vero
fu spento dal figliastro su nel mondo.