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Près de l’autel du Dieu que chaque jour je prie
Dresseras-tu le noble autel de la Patrie ?
Et si tu vois un jour nos sillons envahis,
Ainsi que je l’ai fait, voilà quarante années,
Seras-tu prêt, soumis aux mêmes destinées,
A combattre pour ton pays ?

Mon enfant ! mon enfant ! Les questions sans nombre
Montent à mes côtés comme une houle sombre
Lorsque je pense à toi, quand près de toi je suis....
Je voudrais arracher d’une main inquiète
L’indéchirable voile étendu sur ta tête...
Je le voudrais... et ne le puis !

Mais du fond de mon âme à ton âme liée
Ma prière s’élève, ardente, apitoyée,
Vers l’insondable Ciel qui ne veut pas s’ouvrir,
Et j’implore pour toi la divine clémence
De Celui qui du fond de son mystère immense.
Nous fait naître et nous fait mourir !

Comme je l’ai trouvée, enfant, je te souhaite
Pour partager ton deuil en tes jours de défaite,
Et pour doubler ta joie aux jours victorieux,
De trouver à ton tour une compagne tendre
Et l’intime bonheur auquel n’osait prétendre
Mon plus beau rêve ambitieux !

Enfin, l’âge venant, ta tâche terminée,
Puisses-tu, pour dorer la fin de ta journée
D’un bienfaisant rayon de tendresse et de foi ;
Pour goûter jusqu’au bout le charme de la vie,
Avoir, — comme je l’ai dans ma joie infinie, —
Un petit-fils semblable à toi !


JACQUES NORMAND.