Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/484

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Depuis ce moment, les ambassadeurs travaillent sans qu’on connaisse encore le résultat de leur effort : on sait seulement qu’il porte sur Andrinople et sur les îles. Au sujet d’Andrinople, le gouvernement turc ne peut se faire aucune illusion sur la solution que l’Europe lui proposera, lui imposera même peut-être ; elle la connaît d’avance, puisque toutes les Puissances ont fait des démarches plus ou moins pressantes auprès de lui, pour lui conseiller de céder la ville avec le vilayet. Rien de plus pénible pour la Porte ! La ville résiste encore et cette résistance acharnée, héroïque, il faut le dire, est, du côté de la Turquie, l’épisode le plus honorable de cette guerre, celui qui en rachète beaucoup d’autres. Exiger l’abandon d’Andrinople avant qu’elle ait succombé est un acte très dur, d’autant plus que la ville est, dit-on, à bout de ressources et que sa résistance ne peut pas se prolonger au delà de quelques jours. Alors pourquoi n’avoir pas attendu ces quelques jours ? La situation des alliés aurait été meilleure et la tâche de l’Europe plus aisée. Les Turcs, il est vrai, disent que, même si la ville succombe, ils ne la céderont pas ; mais, comme ils ne pourront pas la reprendre, il faudra bien qu’ils s’inclinent finalement devant le fait accompli, avec la résignation du fatalisme. C’est du moins ce qu’on a dit, ce qu’on a cru, ce qu’on veut croire encore. En est-on tout à fait sûr ? L’affirmation contraire est si obstinée, si énergique, si péremptoire de la part des Turcs qu’un doute reste dans les esprits. Il est possible que la Porte résiste et alors, de deux choses l’une, ou l’Europe fera prévaloir sa volonté, ou la guerre recommencera, avec les conséquences extrêmes que M. Poincaré a fait entrevoir. Quant aux îles, la question est complexe. Si l’accord est fait sur Andrinople entre les grandes puissances, s’il est connu, si la Porte ne peut pas l’ignorer, en est-il de même des îles ? La question de Crète est tranchée : l’objection des Turcs ne portait que sur la forme, elle ne pouvait pas tenir longtemps. Mais les autres îles ? Si la Porte renonce à quelques-unes, il faut s’attendre de sa part à une résistance tenace au sujet des autres, de celles qui sont les plus voisines de la côte d’Asie, et dont quelques-unes sont parmi les plus importantes, Mitylène par exemple, Chio et Rhodes. L’argument qu’elle invoque est, à son point de vue, très fort. On l’exclut, ou bien peu s’en faut, de l’Europe ; on lui dit que, désormais, son domaine sera l’Asie, mais qu’elle y sera puissante et qu’on désire qu’elle l’y soit effectivement : elle répond que sa sécurité y sera menacée dès le premier jour, si les îles qui commandent les côtes asiatiques ne lui appartiennent pas. Qui pourrait soutenir que cela n’est pas vrai ? Il y a toutefois des