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nature qu’elles aient été, ces manifestations révélaient, dans l’armée, une inquiétante effervescence. On affirme que déjà plusieurs soldats ont été fusillés.

Les sentimens des peuples slaves de l’Empire se sont traduits, à la session de novembre des Délégations, avec une significative unanimité. Ce ne furent pas seulement les chefs des différens partis tchèques, tels que M. Kramarsch, toujours généreux et éloquent, M. Klofatch, M. Masaryk, qui vinrent déclarer leurs sympathies pour les Slaves des Balkans et affirmer que leurs succès ne créaient pas un péril pour l’Autriche-Hongrie ; ce fut aussi M. Stapinski, leader des Polonais : « Le peuple polonais, dit-il, salue avec une sincère sympathie la libération des peuples chrétiens slaves du joug turc. Les aspirations légitimes de ces peuples ne sont pas contraires aux intérêts de l’Autriche-Hongrie. » Le docteur Stapinski ajouta ces paroles qui produisirent une forte impression : « Les Polonais ont, au début, soutenu de leur plein gré la Triplice, et, plus tard, ils ne l’ont pas combattue directement, malgré les grands scrupules qu’ils avaient. Mais ils ne sauraient continuer à la soutenir que si l’opinion publique polonaise accepte cette alliance et la politique extérieure dont elle forme la base avec une certaine sympathie. Pour des raisons d’État, nous avons loyalement soutenu l’alliance avec l’Allemagne, malgré les lois d’exception prussiennes. Cependant, nous ne pourrions plus le faire si le gouvernement de notre allié blessait par des mesures violentes et draconiennes l’opinion publique polonaise dans ses sentimens les plus sacrés. Nous devons aussi déclarer très catégoriquement à notre ministre des Affaires étrangères que la politique extérieure de la monarchie austro-hongroise ne saurait se faire à la longue sans l’assentiment des Slaves autrichiens. Personne n’appréciera les grands événemens historiques au Sud de la monarchie comme un affaiblissement du monde slave ; et, par suite, une politique d’alliance qui déplairait aux Slaves ne pourrait se maintenir bien longtemps. » Ce fut encore M. Levicky, chef du parti ruthène anti-russe, qui déclara : « Les sympathies ruthènes vont aux peuples balkaniques dans leur lutte d’affranchissement contre la Turquie, et l’Autriche a tout intérêt à créer des rapports amicaux durables avec les royaumes alliés. La monarchie austro-hongroise doit être un foyer pour les nations faibles et susceptibles de développement de l’Europe centrale. La tragédie turque doit