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que le Cabinet de Vienne n’y renoncerait jamais sans y être contraint par la force, car il s’agissait pour lui non pas tant d’éloigner les Serbes de la mer que de sauvegarder l’intégrité de la future Albanie dont il compte faire l’instrument de sa politique. Il n’a pas fait de grandes difficultés pour accorder aux Serbes un débouché économique sur l’Adriatique, garanti par les puissances, mais il a refusé la bande de terre que les Serbes désiraient obtenir. Actuellement encore, la diplomatie autrichienne résiste énergiquement aux instances de son alliée italienne, qui voudrait que Scutari tombât dans le lot du Monténégro.

L’Autriche a obtenu successivement que la Serbie renonçât à toute acquisition territoriale sur l’Adriatique et que le principe d’une Albanie autonome fût reconnu par toutes les puissances ; c’est l’essentiel de ses revendications positives. Il reste la question des frontières de la future principauté : à moins que l’Autriche n’y cherche le prétexte de nouvelles complications, elle ne doit pas entraîner de graves difficultés. L’Albanie ne saurait être que le pays peuplé uniquement d’Albanais ; il n’est pas possible que ceux-ci bénéficient, même dans certains districts où ils sont devenus la majorité numérique, de l’oppression sanglante qu’ils ont fait peser sur les Slaves au Nord, sur les Grecs au Sud. Lorsqu’un compromis raisonnable aura déterminé ces frontières, l’Autriche aura obtenu gain de cause sur chacune de ses revendications positives, et peut-être l’Europe pourra-t-elle espérer la voir enfin déposer les armes. N’y comptons pas trop cependant, car nous ignorons encore laquelle des deux tendances entre lesquelles oscille la politique de Vienne finira par triompher, celle des diplomates ou celle des militaires.

Le représentant le plus qualifié de la méthode belliqueuse est le chef d’état-major général, baron Conrad de Hötzendorf. On n’a pas oublié les démêlés retentissans qui, dans les derniers mois de la vie du comte d’Æhrenthal, mirent aux prises le ministre déjà presque agonisant, et le chef d’état-major. Le général de Hötzendorf demandait que des troupes fussent concentrées sur la frontière italienne et que l’on n’hésitât pas à recourir, au besoin, à la manière forte ; le ministre s’y opposait et obtenait de l’Empereur que son adversaire quittât les fonctions de chef d’état-major. Ce fut le dernier succès du comte d’Æhrenthal. Dès les premiers jours de la crise actuelle, le général fut replacé à