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la tête de l’état-major où il a présidé à la mobilisation de l’armée. Il passe pour posséder la pleine confiance de l’archiduc-héritier et pour partager ses vues politiques. Le général de Hötzendorf et ses amis raisonnent ainsi : la Serbie, enorgueillie par ses victoires, ne renoncera pas à poursuivre la dislocation de l’Empire austro-hongrois ; tôt ou tard, elle l’attaquera avec l’appui d’un autre et plus puissant adversaire. Puisque ce conflit est inévitable, l’Autriche doit naturellement choisir, pour faire la guerre, le moment le plus favorable. Déjà le comte d’Æhrenthal, — et le baron Conrad de Hötzendorf le reproche amèrement à sa mémoire, — a laissé passer, en 1909, une excellente occasion d’obliger la Serbie à capituler ; il s’est même désarmé en abandonnant le sandjak ; il ne faut pas manquer, dès que le moment propice paraîtra venu, d’en finir, une fois pour toutes, avec la Serbie et avec les troubles qu’elle ne cessera jamais de fomenter dans le Sud de l’Empire. Tel est le point de vue du parti militaire ; son but final est de faire de la Serbie un Etat vassal, politiquement et économiquement, de l’Empire austro-hongrois ; il ne lui pardonne pas son esprit d’indépendance et, ses brillantes victoires et il n’aura pas de repos qu’il ne l’ait réduite à merci. Le parti militaire regarde d’ailleurs, en tout état de cause, une guerre comme indispensable au salut de l’Empire, parce que seule elle refera la cohésion de l’armée et donnera à la dynastie, à la veille d’un nouveau règne, le prestige suffisant pour qu’elle puisse assurer à la monarchie, par une complète réorganisation intérieure, une ère de tranquillité, de prospérité et de gloire.

Plus juste, plus prudent et plus sage est le parti des politiques, dont le chef est le comte Berchtold et que soutient avec fermeté l’empereur François-Joseph. Le vieux monarque veut mourir en paix ; personne ne connaît mieux que lui les conditions nécessaires à la vie et à la prospérité de cet Empire composé de tant de peuples divers dont il est lui-même le seul lien ; l’expérience de son règne, traversé de tant de catastrophes, lui enseigne que la guerre peut cimenter la cohésion des nations unies et concentrées, mais qu’elle ébranle les Etats qui n’ont pas d’unité nationale et qui ne sont que le produit, toujours un peu artificiel, de la politique dynastique. Le comte Berchtold ne reconnaît pas la nécessité d’une guerre préventive et il croit à la possibilité d’établir avec la Serbie des relations suffisamment