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La France est animée des meilleures intentions vis-à-vis de l’empire des Habsbourg ; elle a besoin, pour le maintien d’un juste équilibre européen, d’une Autriche forte, qui soit elle-même en équilibre intérieur, où chaque nationalité trouve la sauvegarde de ses droits et de ses intérêts ; mais elle ne verrait pas avec la même sympathie une Autriche qui ferait une politique d’expansion et de conquête aux dépens des Slaves et deviendrait une menace pour la paix de l’Europe. La méthode bismarckienne n’est pas faite pour les Habsbourg ; une politique de force serait néfaste à un État qui n’est qu’un État, et non pas une nation. Bismarck d’ailleurs, et c’est le vice fondamental de son œuvre, n’a pas compris ce que pèse, tôt ou tard, dans l’histoire humaine, la volonté des peuples ; aussi voyons-nous l’édifice, savamment élevé par lui au Congrès de Berlin, s’effondrer. L’Autriche sera bien avisée en renonçant à des rêves dangereux d’impérialisme balkanique pour consacrer toutes ses énergies à l’œuvre de sa consolidation intérieure : œuvre de patience, de conciliation, pour laquelle la force est inopérante, parce qu’elle ne crée ni l’amour ni la confiance. Il lui faut apaiser, adapter, fondre, associer : politique de mariages. Le vieil aphorisme n’a pas menti : Tu, felix Austria, nube !


RENE PINON.