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place à l’époque de cette existence maritale. Il y a ici, avec l’état de mariage, une analogie de fait qui comporte une présomption analogue : le père présumé sera l’homme qui a tenu dans cette union libre et, comme dit la loi, dans ce concubinage, le rôle du mari dans le mariage. Il convient toutefois que le concubinage ait été notoire : cette notoriété est facile à établir, et on ne risque pas les hésitations ni les contradictions des témoignages sur un fait aussi simple.

On ne reprochera certes pas à cette énumération d’être trop large ni trop aventureuse. La loi s’est contentée d’assimiler le viol à l’enlèvement, de consacrer la jurisprudence en lui donnant seulement la sanction nouvelle d’une reconnaissance de paternité, enfin d’ajouter le cas du concubinage notoire. Tout cela reste prudent et mesuré : on n’y aperçoit pas la place du chantage organisé, ni d’une exploitation frauduleuse.

Cependant, on n’a pas estimé que le péril fût suffisamment écarté. Et la loi a soin de fixer, par opposition aux cas où la recherche est possible, où la paternité peut être admise, ceux où elle ne doit pas l’être, où la demande ne sera même pas recevable.

Et d’abord, il ne devait pas être permis à une femme, dont l’inconduite est certaine, de choisir, parmi ses amans de passage, celui à qui elle prétendrait imposer une paternité, dont elle ne sait pas le plus souvent elle-même quel peut être l’auteur. L’action en recherche sera donc refusée à l’enfant de cette femme. Les sentimens de justice et de pitié que peut inspirer le sort de l’enfant naturel trouvent ici leur limite. Et l’intérêt social commande évidemment d’interdire la recherche, dans un cas où elle présente au plus haut point le double danger de l’incertitude et du scandale. Il a paru même que la mère d’une inconduite notoire ne devait pas être seule exclue : la loi vise aussi celle qui, « pendant la période légale de conception, a eu commerce avec un autre individu... » Le danger est pareil : la défense sera donc pareillement absolue. Et l’on entend bien que de tels procès n’iront pas sans des surprises qui pourront être cruelles. L’action en recherche est intentée par la mère pendant la minorité de l’enfant, ou par l’enfant lui-même dans l’année qui suivra sa majorité. Si c’est l’enfant majeur qui agit, en toute bonne foi, il est possible que le prétendu père lui oppose ces fins de non-recevoir, l’inconduite de sa mère, les relations qu’elle a