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entretenues avec un autre homme au temps de la conception. De là des débats qui seront vite très âpres et très douloureux. Mais comment les éviter ? Encore une fois, quand l’intérêt social s’impose avec tant de force, les intérêts individuels ne doivent plus compter.

Ces deux exclusions prononcées par la loi ne sont pas les seules ; elles ont été motivées par l’incertitude de la paternité. Or il y a plus que l’incertitude, c’est à savoir l’impossibilité. L’action ne saurait être recevable quand le prétendu père peut prouver l’impossibilité physique de sa paternité, qu’elle résulte de l’éloignement ou de quelque accident. Cette règle allait de soi ; il était utile, toutefois, de l’inscrire expressément dans la loi. Aucune précaution n’est à négliger dans une matière si délicate : et le juge, à qui de si larges pouvoirs sont d’ailleurs confiés, préférera lui-même leur trouver, dans de pareils cas, des bornes infranchissables.

La précaution a été plus sévère encore. La jurisprudence de la séduction avait tenté de décourager les entrepreneurs de scandales, et généralement ce monde d’agens suspects qui grouille autour des successions opulentes, qui monte un procès comme une mauvaise affaire de finance. Elle y avait à peu près réussi, en rejetant impitoyablement toutes les demandes de dommages-intérêts qui ne s’appuyaient pas sur des preuves formelles et des engagemens précis. Mais les praticiens du chantage, toutes les fois que le chantage, comme on dit, en valait la peine, ne couraient pas grand risque à l’organiser : simplement les frais du procès. D’ailleurs, certains de l’échec final de la demande elle-même, ils pouvaient multiplier les incidens de procédure, pour la prolonger pendant des années ; ils pouvaient aussi mener une campagne de presse. En un mot, avec un peu de savoir-faire et quelques avances de fonds, ils exerçaient sur la victime, le prétendu père ou sa famille, la pression la plus pénible et la plus abominable, au point d’obtenir parfois ce qu’ils voulaient : de l’argent qui payait leur silence et la fin de ce tourment. Il était évident que la recherche de paternité, désormais autorisée, ouvrait à ces gens une carrière où ils allaient développer leur activité. Il fallait, par avance, couper court. C’est à quoi la loi nouvelle s’est heureusement appliquée.

Deux règles qu’elle établit suffiront à prévenir cette sorte de procès. D’abord et d’une manière absolue, le compte rendu des