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les droits de puissance dont est investi le père qui a reconnu spontanément son enfant ?

La question a été seulement effleurée dans le rapport de M. le sénateur Guillier qui a pensé l’écarter par cette simple réponse : le père n’aura pas la puissance, puisqu’elle revient, d’après la loi de 1907, à celui des parens qui a reconnu le premier, donc ici à la mère ; au surplus, les tribunaux pourront toujours prononcer la déchéance contre le père indigne. Cette réponse n’est qu’à demi satisfaisante. Oui, le plus souvent, presque toujours, la puissance appartiendra à la mère qui aura fait la première l’acte de reconnaissance ; mais si la mère décède, elle reviendra au père qui pourra en abuser librement. Et il ne faut pas croire que la déchéance serait une ressource contre ces abus ; car elle ne pourrait être invoquée que dans le cas de « mauvais traitemens » qui compromettraient la santé de l’enfant. Or il n’est pas nécessaire de recourir aux mauvais traitemens pour rendre douloureuse la vie d’un enfant et pour gâter son avenir. Le Parlement n’a pas aperçu le péril ou n’a pas voulu le prendre au sérieux. Il existe cependant, du fait que tous les droits de la puissance paternelle risquent d’être conférés à un homme qui a nié avec obstination sa paternité, et qui ne sera jamais qu’un père malgré lui. Il eût donc mieux valu distinguer ses droits de ceux du père qui a fait une reconnaissance volontaire ; car son cas est très différent. La plupart des lois étrangères font cette distinction, ou ne donnent, d’une manière générale, à la reconnaissance que des effets restreints. En Angleterre, c’est seulement une allocation forfaitaire de 5 shillings par semaine que le père doit à l’enfant. En Allemagne, cet enfant n’a de famille que celle de sa mère dont il porte le nom ; il reste étranger au père, qui lui doit seulement jusqu’à seize ans un entretien conforme à la condition de la mère. En Suisse, la règle varie suivant les cantons ; mais, d’une manière générale, il n’y a même pas un lien héréditaire entre le père et l’enfant. Nulle part, on n’a permis cet événement étrange, qu’un jour le père forcé fût armé d’un droit sur la personne d’un enfant dont il ne veut pas. On aurait pu prévoir et écarter, dans notre loi française, cette éventualité. Si on ne l’a pas fait, c’est qu’on n’a pas voulu créer, entre les enfans légitimes et les enfans naturels reconnus, une troisième catégorie pour ceux dont la reconnaissance n’a eté que judiciaire. Cette raison ne