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pourrait ensuite, lui Schloezer, intervenir à son tour. Galimberti raconte qu’il hésita ; mais ses hésitations eurent un terme ; il vit le Pape, et parla. « Le Pape, avoue-t-il, me montra beaucoup de perplexité sur le choix de ma personne. Je restai indifférent, et je n’ajoutai rien qui put la favoriser. » Vingt-quatre heures après, Galimberti revoyait Léon XIII, qui lui disait en substance : « Je n’ai plus de secrétaire d’État, j’ai besoin de vous : j’enverrai là-bas l’archevêque de Prague, Mgr Schoenborn. — Benissimo, » s’inclina le prélat. Mais Schloezer n’était pas loin, et Schloezer prévenu dit à Galimberti : » Mais non ! Schoenborn n’est pas persona grata à Berlin ; il ne connaît rien des négociations actuelles. C’est vous qui devez y aller. » Un jour, deux jours se passèrent : Léon XIII se taisait au sujet de Berlin ; Galimberti aussi, et il lui en coûtait de se taire, « J’avais l’eau à la bouche, » écrit-il dans ses notes. Mais par réserve, par scrupule, il attendait. Enfin le troisième jour, il observa respectueusement au Pape qu’il faudrait aviser à prévenir Schloezer, officiellement, du prochain envoi de Schoenborn. Alors le Pape, qui depuis trois longues journées tenait en haleine et en suspens la pétulance du prélat, lui dit : « Mais quoi ! Schoenborn ? C’est vous qui irez ! Vous connaissez les affaires ! » Galimberti, ce jour-là, fut vraiment heureux. Quarante-huit heures après, — c’était le 17 mars, — il recevait les instructions du Pape, et il partait pour être, au British-Hotel de Berlin, l’hôte de l’Empereur. Il partait avec un jeune prélat qu’il s’empressa de laisser à Munich en lui disant que c’était une ville intéressante, et avec un journaliste laïque du Moniteur de Rome, qu’il emmena jusqu’à Berlin. D’après la consigne donnée par Bismarck, il trouvait, en gare même de Munich, le ministre de Prusse en Bavière, le comte Werthern, qui, dix ou douze ans plus tôt, buvait volontiers au succès du Culturkampf. Les temps étaient changés, Werthern offrait à l’envoyé du Pape une collation et beaucoup d’hommages. Puis Galimberti, regagnant son wagon, s’enfonça tout d’une traite jusqu’au cœur de la Prusse protestante, jusqu’à Berlin,

Il avait en portefeuille des instructions très précises du Pape. Avant tout, il devait amener Bismarck et Gossler à accepter tous les amendemens proposés par Mgr Kopp : Léon XIII y tenait, et comptait sur l’ « habileté, sur la dextérité » de son émissaire. Galimberti devait, en second lieu, s’aboucher avec quelques chefs du Centre, et avec les évêques que le jubilé