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pour cet auguste vieillard. Il fut reçu par le Prince impérial, qui se plut à rappeler l’accueil de Léon XIII en « termes très expansifs. « Il eut, parmi deux cents convives, la place d’honneur à la table des souverains, et puis, à la soirée qui succéda, il vit le maréchal de Moltke, la princesse impériale, le roi de Roumanie venir vers lui ; et tous lui parlaient du Pape, « avec un intérêt empressé. » Ces jours-là, à la cour de Prusse, tous s’occupaient de remettre l’État d’accord avec l’Eglise : le futur Guillaume II transmettait volontiers à qui de droit les désirs de Mgr Kopp ou des personnalités catholiques ; chacun voulait avoir travaillé à la paix ; Galimberti trônait, Galimberti planait. Il s’enflammait d’amour pour cette Prusse, d’où son avenir diplomatique lui paraissait prendre un si bel élan. Par surcroit, on lui laissait le droit de penser que son passage à Berlin inaugurait quelque chose de nouveau dans l’histoire de l’Eglise. Au souper du palais, l’Impératrice elle-même lui disait : « Regardez bien cette table, monseigneur, c’est une table historique, car c’est aujourd’hui la première fois qu’un envoyé du Pape est venu s’asseoir à la table du roi de Prusse. »

Il exultait, mais il demeurait inquiet. Derrière cette façade d’élégance et de faste, où les chambellans aimaient à faire figurer, comme un surcroit d’ornementation, sa belle mantelletta violette, que préparait-on, que concertait-on ? Deux dépêches arrivaient de Rome, plutôt assombrissantes : dans l’une, le Saint-Père se plaignait de l’attitude de la presse provinciale, qui attaquait les négociations et cherchait à les faire avorter ; l’autre dépêche disait : « Le Saint-Père considère que votre mission a échoué, si vous n’obtenez pas que les amendemens Kopp passent à la Chambre des Seigneurs. » Galimberti reçut Windthorst, lui montra le premier télégramme. « Je ne suis pas responsable du ton de la presse, » objecta le chef du Centre.

Quant aux amendemens Kopp, on serait bientôt fixé sur leur sort, les heures étaient comptées. L’évêque et le prélat concertaient les suprêmes détails de rédaction, puis l’évêque allait voir Gossler pour les lui soumettre. Galimberti put télégraphier à Mocenni que Gossler acceptait l’amendement relatif à la liberté des messes, et l’amendement qui dispensait les évêques de présenter au pouvoir civil les administrateurs provisoires des cures. Il ajoutait qu’au sujet des ordres religieux, l’on discutait encore ; que les difficultés étaient graves ; il réclamait