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on eût dit, à l’entendre, que, s’il voulait un peu changer, encore, le texte définitif, le texte qui allait faire loi, c’était pour que les plus inquiets de ses coreligionnaires, satisfaits à leur tour, prissent aussi pleine confiance. Il proposait ses amendemens comme on propose une prière : « Je vous en prie, messieurs, disait-il, oui, je vous en prie ; toute autre expression ne s’accorderait pas avec mes devoirs de sujet. » Il reconnaissait que si l’on pouvait justifier, contre les ordres religieux, l’accusation de prosélytisme, ce serait, « dans un pays où les confessions sont mêlées, un très grave reproche. » Au début de son discours, il se présentait comme le porte-parole du Pape ; à la fin, il n’était plus qu’un sujet, qui invoquait la Chambre. S’encadrant ainsi entre deux déclarations, dont la première rendait les auditeurs attentifs, dont la seconde les rendait bienveillans, son discours était un prodige d’aisance et d’insinuante persuasion.

Le national-libéral Beseler lui répondit. Il redoutait le péril que courrait le protestantisme si les ordres religieux rentraient. Mais une voix s’éleva, disant à Beseler : « Vous êtes un théoricien, un esprit critique, dont jamais aucun de mes actes n’obtint l’approbation ; moi, je suis un opportuniste. » C’était la voix de Bismarck, et le chancelier continua ! Tempora mutantur, les temps sont changés. Combien durerait la paix ? Il ne prenait à cet égard aucune responsabilité ; mais la paix était nécessaire, actuellement. Il passait en revue les grandes lignes du projet. Les catholiques jugeaient indispensables les ordres religieux, c’était un fait ; en tant que protestant, Bismarck pouvait, là-dessus, avoir son opinion ; mais en tant que ministre, il voulait que la nation tout entière eût la paix, donc les ordres rentreraient. De l’éducation des prêtres, il déclarait se désintéresser, puisque les adversaires les plus acerbes de l’Etat prussien avaient été élèves des universités. Quant à l’obligation pour les évêques de soumettre au pouvoir civil les noms des curés, Bismarck allait jusqu’à dire que, personnellement, il y aurait volontiers renoncé, puisqu’un ecclésiastique agréable à l’Etat pouvait, une fois curé, devenir belliqueux. On se demandait, en l’écoutant, pourquoi il avait fait les lois de Mai ; car il constatait qu’antérieurement la Prusse avait su fort bien sauvegarder ses droits de souveraineté, et sa dignité. La paix religieuse, continuait-il, améliorera les rapports de la Prusse et de l’Autriche : ce sera un