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En 1871, lorsque la fraction du Centre, d’une façon beaucoup plus discrète, avait effleuré la question romaine, Bismarck avait fait le premier brouillon des déclarations de guerre par lesquelles bientôt il devait riposter. Mais en 1890, les circonstances étaient changées ; au lendemain des élections au Reichstag, qui avaient affaibli les conservateurs, réduit de moitié le chiffre des nationaux-libéraux, accru de quelques voix encore les forces du Centre, et fortifié les partis de gauche et les élémens socialistes, il fallait que Bismarck, pour trouver un appui, regardât du côté de Windthorst. Et Windthorst de nouveau, comme huit ans plus tôt, jouait, suivant les jours, avec les divers partis : Schloezer à Rome s’indignait en apprenant que le Centre s’était uni aux progressistes pour faire voter par le Reichstag l’immunité militaire des clercs. Bismarck avait fait le Culturkampf contre Windthorst ; et contre Windthorst, encore, il avait affecté de faire la paix religieuse, — de la négocier à l’écart du Centre, avec Léon XIII. Après l’avoir bousculé de ses lois persécutrices, il l’avait flagellé de son rameau d’olivier. Vaincu par l’Église, il s’était cru, tout au moins, vainqueur de Windthorst ; et dans ce Reichstag de 1890, où le Cartell gisait à terre, Bismarck allait être à la merci de Windthorst, à la merci d’une alliance entre les conservateurs et Windthorst.

Il reçut le chef du Centre, le 12 mars 1890 : l’histoire de l’audience demeure obscure. Il semble que Windthorst, comprenant à demi-mot certaines suggestions du banquier Bleichroeder, avait demandé d’être reçu ; il semble aussi que les suggestions de Bleichroeder n’avaient pas été ignorées de Bismarck. Le tribun du Centre développa ses désirs : retour des Jésuites ; abrogation de la loi prussienne de 1872 sur l’inspection scolaire ; et Bismarck crut comprendre que Windthorst visait au rétablissement intégral de la situation de l’Église de Prusse telle qu’elle existait avant 1870. Bismarck, semble-t-il, tout en trouvant ces conditions trop onéreuses, laissa néanmoins entrevoir qu’il était prêt à les étudier. On parla, aussi, d’un successeur éventuel du chancelier : Windthorst prononça le nom de Caprivi. C’est à peu près tout ce qu’on sait de certain, à l’heure qu’il est, sur cette émouvante visite, où la puissance était du côté de Windthorst. Quelques heures se passaient, et Bismarck avait perdu les apparences mêmes de la puissance. Guillaume II lui faisait savoir qu’il avait cessé d’être chancelier.