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Des années s’étaient écoulées, on s’en souvient, avant que le chef du Centre mit le pied chez le chancelier de l’Empire ; mais au lit de mort politique de Bismarck, il n’y avait qu’un chef de parti, c’était Windthorst ; et le nom du successeur, avant même que le chancelier ne fût déposé de son siège, flottait déjà sur les lèvres de Windthorst.

Les restans de concessions qu’attendaient les catholiques ne devaient donc pas leur être accordés par Bismarck : Windthorst plus tard pensa, et d’autres membres du Centre avec lui, que si Bismarck fût demeuré au pouvoir, les catholiques eussent été plus vite exaucés, que lui seul pouvait les exaucer complètement. L’auteur du Culturkampf, le dominateur qui avait fini par lasser l’Allemagne, emportait dans sa retraite, par l’effet d’une vicissitude inouïe, certains regrets, très sincères, des parlementaires catholiques, convaincus, peut-être avec raison, que pour extirper, dans leurs derniers prolongemens, les racines posées par un Bismarck, la main d’un Bismarck eût été le meilleur outil.

Mais la période nouvelle qu’inaugurait Guillaume II réservait au Centre un nouveau terrain d’influence. La législation protectrice des travailleurs était la question capitale qui hantait l’esprit de Guillaume II ; il la voulait, et déclarait même à un évêque belge qu’il était, là-dessus, pleinement d’accord avec Léon XIII[1]. Bismarck parti, on allait s’y mettre, et le Centre allait diriger la besogne ; depuis douze ans il s’y préparait : l’abbé Hitze avait acquis, dans les milieux politiques, une autorité notoire ; la dernière assemblée générale des catholiques allemands avait élu domicile à Bochum, ville noire et banale, qu’aucune cathédrale ne parait, qu’aucuns grands souvenirs ne désignaient, mais où d’immenses populations ouvrières attendaient de l’Église une parole ; le Centre, en septembre 1889, avait ainsi pris contact, chez eux-mêmes, avec les ouvriers, et avec des ouvriers qui venaient de faire grève. Une longue expérience préparait les hommes du Centre à travailler législativement dans le sens que souhaitait Guillaume II. La politique

  1. Jules Arren, Guillaume II, ce qu’il dit, ce qu’il pense, p. 233. (Paris, Pierre Lafitte). On trouvera dans cet utile volume, soigneusement classés, exactement remis en leur cadre historique, et finement commentés, tous les principaux actes, propos et gestes, par lesquels l’Empereur actuel d’Allemagne est, depuis vingt-cinq ans, intervenu dans l’histoire de son peuple et dans celle de l’Europe.