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ce douloureux retour. Bismarck voyait mourir, en 1894, ce Schloezer qu’il aimait ; et mourir, en 1896, l’empressé cardinal Galimberti, qui s’était flatté, trois ans plus tôt, de prévaloir à Rome sur le cardinal Rampolla, et de rendre à l’Allemagne, dans le cœur de Léon XIII, la place récemment prise par la France.

De tous les grands partenaires du Culturkampf, Bismarck à peu près seul restait. Il s’occupait, il se vengeait aussi, en écrivant ses Pensées et Souvenirs : il s’y campait devant la postérité. Il y protestait n’avoir pas été vaincu dans le Culturkampf, puisque les articles constitutionnels garantissant la liberté des Eglises, cadeau du romantique Frédéric-Guillaume IV, demeuraient définitivement rayés ; puisque l’ancien bureau qui s’appelait « la division catholique, » — ce bureau de Polonais, — avait définitivement disparu ; puisque enfin la loi sur l’inspection scolaire, bonne sauvegarde contre le polonisme, subsistait toujours. Vaincu par l’Eglise, il semblait éprouver certain plaisir à songer que cette Eglise, redevenue libre et prospère, était moins en sécurité, pourtant, qu’à l’époque où elle trouvait ses droits inscrits dans la constitution même du royaume. Et, de fait, au jour où les Chambres prussiennes voudraient créer à l’Église de nouveaux embarras, les brèches toujours béantes, pratiquées sur l’ordre de Bismarck dans la constitution prussienne, assureraient à leurs caprices législatifs la plus complète liberté. Bismarck laissa les portes ouvertes, pour qu’un autre que lui pût faire un autre Culturkampf, si cet autre en avait le goût.

Mais le précédent répugne, le souvenir pèse ; le Culturkampf est une page d’histoire dont l’Allemagne parle peu. Il y a quelque temps, devant un tribunal de la région rhénane, un vieux prêtre était interrogé. Le président lui balbutiait pour la forme, et sans attendre la réponse, la question rituelle : « Vous n’avez jamais eu de condamnation ? — Mais si, mais si ! » cria le prêtre, et le président, surpris, s’arrêta. Alors le prêtre détaillait : « Tant d’amende, tant de jours de prison, pour avoir donné l’extrême-onction ; tant d’amende, tant de jours de prison, pour avoir dit la messe. » Devant ce prêtre qui, triomphalement, se confessait de tant de crimes, c’était le tribunal qui se sentait embarrassé. « C’est bien, monsieur le curé, interrompit le président ; on ne parle plus maintenant de ces choses-là. » Ainsi vivent encore, parvenus aujourd’hui vers l’autre versant de l’existence, un certain nombre de prêtres dont le casier judiciaire n’est une honte que