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Les êtres organisés n’ont donc pu apparaître sur ce globule terraqué que lorsqu’il se fut suffisamment refroidi pour avoir une croûte solide et une température superficielle inférieure à 100 degrés. On ne connaît pas et on ne conçoit pas de pyrozoaires ; les vieilles histoires relatives aux salamandres, qui résistent au feu, ne sont que des fables bonnes tout au plus à fournir des motifs ornementaux aux héraldistes.

La Terre en effet ne fut pas toujours un astre éteint et obscur ; jadis toute bouillonnante et fluide, et vierge encore de l’humaine souillure, elle rayonnait autour d’elle la chaleur et la lumière dans l’ardente splendeur de sa vie inorganique. Maintenant, une écorce froide et rigide enferme comme en un dur cercueil les dernières palpitations du feu intérieur dont elle fut radieuse. L’humanité n’est apparue sur elle que lorsque déjà sa surface avait pris la frigidité et la rigidité cadavériques.

Le froid au contraire, si intense qu’il soit, ne détruit pas la vie. Je sais bien que ceci n’est pas vrai pour l’homme, que la congélation tue, et qui a dû pour ce motif déserter les régions polaires de la Terre. Mais prendre comme critérium l’homme quand on raisonne sur « la vie » est un point de vue étroit. L’homme et les autres animaux dits « supérieurs » ne sont que des édifices vitaux contingens. Ce qui seul demeure, quand on va au fond des choses, comme substratum fondamental du phénomène « vie, » c’est la cellule, atome primordial de tout être vivant. Or les plus basses températures qu’on ait réalisées ces dernières années laissent intactes un grand nombre de cellules, de spores et de bactéries. Des recherches récentes, dont les premières furent faites à l’Institution royale de Londres, l’ont établi sans conteste. Le professeur Macfayden notamment, dans une série de belles expériences qui durèrent des années, a montré qu’aux températures de l’air liquide (— 190°), et de l’hydrogène liquide (— 252°), le pouvoir germinatif des graines n’est pas atteint, quel que soit le temps pendant lequel on les laisse à ces températures. L’action de l’air liquide sur les bactéries, examinée la première, fut reconnue parfaitement inoffensive. Après des semaines, après des mois d’immersion en tube clos dans l’air liquéfié, on n’a pu apercevoir aucun affaiblissement dans leur faculté de croissance et leurs activités fonctionnelles, lorsqu’elles étaient ramenées ensuite à la température ordinaire.

Les organismes phosphorescens ont procuré un exemple frappant de cette suspension par le froid, puis de cette reprise des phénomènes vitaux. Refroidis dans l’air liquide, ils n’émettent plus de lumière ; mais l’oxydation intracellulaire qui produit la phosphorescence recommence