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pour la production du froid consiste dans un achat de combustible !

Et maintenant, pourquoi la fabrication de l’air liquide est-elle si importante, et à quoi sert-elle ?

Tout d’abord, elle permet de réaliser simplement la séparation si longtemps cherchée de l’air en ses élémens oxygène et azote, dont la production à l’état pur est, — nous allons voir pourquoi, — un des principaux problèmes de l’industrie.

Cette séparation de l’air liquide en ses constituans se fait d’une manière assez analogue à la rectification de l’alcool, par distillation fractionnée. Les deux composans de l’air sont en effet inégalement volatils : l’oxygène, qui bout à — 182°, 5, l’est moins que l’azote qui bout à — 193°,5. C’est cette différence, infiniment précieuse, qui permet de les séparer. Si on laisse en effet de l’air liquide s’évaporer librement, l’azote plus volatil s’échappera d’abord en plus grande proportion que l’oxygène au point que le liquide résiduel finira par n’être composé que, d’oxygène presque pur. Mais ce procédé ne serait évidemment pas économique, car il faudrait beaucoup d’air liquide pour n’obtenir que très peu d’oxygène, le reste de celui-ci et tout l’azote étant perdus dans l’atmosphère. M. Claude réussit à échapper à ces difficultés en liquéfiant l’air, non plus en un seul bloc, mais progressivement de façon à avoir d’abord surtout de l’oxygène liquide, puis surtout de l’azote liquide. Celui-ci, circulant dans une colonne de rectification analogue à celle de nos distillateurs, condense ensuite l’oxygène seul de l’air qui monte dans cette colonne ; cet oxygène condensé s’écoule vers le bas, tandis que l’azote s’échappe au sommet. C’est ainsi qu’on arrive, en partant de la plus répandue et de la moins chère des matières premières, l’air atmosphérique, à produire très économiquement l’azote pur et l’oxygène pur.

L’emploi de ce dernier est de première importance dans l’industrie parce que la combustion des corps, c’est-à-dire leur combinaison vive avec l’oxygène est l’origine de presque toute l’énergie que ‘nous utilisons dans nos machines. Or, lorsqu’on brûle les combustibles dans l’air, non seulement la combustion est moins vive que dans l’oxygène pur, l’air n’en contenant qu’un cinquième dilué dans quatre cinquièmes d’azote inerte ; mais aussi et surtout cet azote inerte absorbe inutilement une grande partie de la chaleur produite, pour se mettre à la température de l’enceinte où a lieu la combustion. Et c’est pourquoi le fer qui ne brûle pas dans l’air brûle dans l’oxygène ; c’est pourquoi aussi le chalumeau oxhydrique amène à une très vive incandescence la chaux qui rougit à peine dans la flamme de l’hydrogène