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d’atmosphère. Ce phénomène curieux est maintenant employé sur une vaste échelle pour l’obtention des vides élevés dans l’industrie ou au laboratoire.

Mais si ingénieuses, si suggestives qu’elles soient, ces belles applications de l’air liquide ne sauraient nous faire oublier les résultats que, dans des domaines tout différens, les autres branches de l’industrie du froid ont récemment réalisés.


III. — QUELQUES AUTRES APPLICATIONS DU FROID

Parmi les plus importantes pour l’humanité, il convient de signaler avant tout l’application du froid au transport des denrées périssables et à leur conservation.

Celle-ci, à vrai dire, bien que pratiquée depuis peu, a été dès longtemps connue. On a laissé les Bouriates de la Léna nous démontrer en vain que le mammouth, conservé des milliers d’années dans la glace, constitue un plat fort présentable.

On sait que les matières alimentaires, les viandes notamment, se détériorent, se putréfient avec le temps, ce qui non seulement leur enlève leur saveur agréable et les rend mal odorantes, mais encore y fait naître des poisons dangereux, les ptomaïnes, qui peuvent amener des accidens mortels. Depuis longtemps on avait remarqué que ces transformations fâcheuses se produisent plus rapidement dans les saisons et les pays chauds. On pouvait donc penser qu’on s’opposerait à leur production en maintenant artificiellement en toute saison et en tout lieu les viandes à une basse température.

Pourtant ce n’est que récemment qu’on s’est avisé de conserver par le froid sur une large échelle, à défaut de mammouth, du veau et du mouton, et cela, avouons-le en le regrettant, beaucoup plus et beaucoup mieux à l’étranger qu’en France. C’est là une constatation d’autant plus déplorable, qu’ici encore la France a été une initiatrice, et que tout le mouvement mondial, dans ce domaine, est parti de l’expérience que fit jadis le Français Charles Tellier. Ce précurseur, — qui a depuis peu la joie de voir justice rendue, avant sa mort, à ses travaux, chose assez rare pour valoir d’être signalée, — a inventé le premier navire frigorifique. Le Frigorifique, équipé par lui, fut expédié en 1876 de Rouen à Buenos-Aires, portant, tant à l’aller qu’au retour, de la viande de bœuf, de la volaille, du gibier, conservés dans une enceinte à basse température, grâce à une machine réfrigérante à chlorure de méthyle. Quoique l’une des traversées fût très longue (cent