Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/711

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

française. Le quatrième fils de Louis d’Orléans et de Valentine Visconti avait treize ans lorsque son père fut assassiné, le 23 novembre 1407, par les sicaires de Jean sans Peur. La belle et douce Valentine ne survécut guère à son mari qu’elle adorait. Elle prit pour devise : « Rien ne m’est plus ; plus ne m’est rien, » employa sa fortune à chercher des vengeurs, et mourut à Blois, le 4 décembre 1408, « de courroux et de deuil, » dit Juvénal des Ursins.

Héritier de la vengeance, Charles groupe une partie de la noblesse sous la bannière de son beau-père, le comte d’Armagnac, et, après la défaite des Cabochiens, poursuit Jean sans Peur jusqu’à Arras. Le 23 février 1414, il obtient de l’Université de Paris la condamnation des propositions par lesquelles Jean Petit, six ans auparavant, avait justifié le meurtre du Duc d’Orléans. Les obsèques de Louis d’Orléans furent célébrées à Notre-Dame en présence du roi Charles VI et d’une multitude de clergé, de chevalerie et de peuple. Pour le salut de son âme, proclama Jean Gerson, chancelier de l’Université de Paris, le Duc de Bourgogne devait être humilié et reconnaître son péché (5 janvier 1415).

Quelques mois après, Charles combattit vaillamment à Azincourt. Les archers anglais le ramassèrent un soir gisant blessé dans la plaine parmi un monceau de cadavres. Embarqué à Calais avec six autres princes, dont son frère Jean d’Angoulême, il resta vingt-cinq ans prisonnier en Angleterre, vit de loin le siège, puis la délivrance de sa ville d’Orléans par Jeanne d’Arc. S’il ne connut ni les chaînes, ni la paille des cachots, à Londres, à Windsor et dans d’autres forteresses, cependant le noble captif fut rigoureusement traité jusqu’au jour où il fit sa soumission au roi Henry VI d’Angleterre.

Mais surtout l’exilé souffrit de l’absence de sa dame qu’il pleura dans les ballades du « Poème de la Prison. »


Pource que véoir ne vous puis,
Mon cœur se complaint jour et nuis
Belle nompareille de France,
Et m’a chargie de vous escrire
Qu’il n’a pas tout ce qu’il désire
En la prison de Desplaisance.


Quelle était cette Beauté tant regrettée ? Si l’on en croit M. Champion, le prisonnier s’adressait alors à sa deuxième femme Bonne d’Armagnac. « Ce n’est pas là une conjecture morale. La plus ancienne des rédactions du « Poème de la Prison » donne cette interprétation. On y lit dans la rubrique du manuscrit : Sensuit le livre