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et uniquement parce qu’il serait allé du quai d’Orsay à l’Elysée, la face du pays était changée.

Le Président de la République ne pouvant agir que par ses ministres, voyons ce qu’est le nouveau ministère. Nous savons bien qu’il a été fait sous les auspices de M. Fallières, qui reste Président de la République jusqu’au 17 février prochain : jusqu’à cette date, le nouveau Président est en quelque sorte dans les limbes, dans le devenir. C’est du moins la fiction constitutionnelle : en fait, il n’est pas téméraire de croire que, même sans qu’il s’en soit directement mêlé, M. Poincaré a eu quelque influence sur la constitution du Cabinet Briand. Nous avons retrouvé dans la déclaration ministérielle une expression qui avait déjà couru dans la presse, à savoir que le défunt ministère était mort de l’excès de confiance que le Parlement avait en lui, puisqu’il avait porté son chef à la présidence de la République. On est même allé plus loin, — non pas pourtant cette fois dans la déclaration ministérielle : — on a dit que, pour avoir le vrai chiffre de la majorité ministérielle, il fallait additionner les voix de M. Poincaré et celles de M. Pams, puisque, faisant tous les deux partie du même Cabinet, ils représentaient la même politique. Même dans l’extrême Midi, il y a peu de chances que cette affirmation ait été prise au sérieux. Quoi qu’il en soit, on a changé le moins possible le ministère Poincaré ; mais, tout de même, il est sorti de la crise sensiblement modifié. Si on néglige en effet M. Pams, que l’échec de son aventure présidentielle a condamné à la retraite, quatre des membres et des principaux membres de l’ancien Cabinet ne font pas partie du nouveau : ce sont M. Poincaré lui-même, M. Bourgeois, M. Millerand et M. Delcassé. M. Bourgeois se retire pour les raisons qui l’ont empêché de poser ou de laisser poser sa candidature à la présidence : sa santé, malheureusement ébranlée, exige des soins. M. Delcassé, pour d’autres motifs, a demandé à se reposer. Mais M. Millerand ? Son cas est tout autre. Nous n’en dirons qu’un mot ; bien que le fait soit d’hier, il semble déjà ancien, tant on en parlé ! tant les événemens se sont pressés et précipités depuis lors !

M. Millerand, en exécution d’une promesse expressément faite par son prédécesseur au ministère de la Guerre, M. Messimy, a réintégré le colonel du Paty de Clam, dans l’armée territoriale : il l’a chargé d’assurer les communications dans une petite gare de chemin de fer en temps de guerre. Grosse tempête ! On n’imaginerait pas le bruit qu’elle a fait et certainement M. Millerand ne l’avait pas prévu. Le colonel du Paty de Clam a joué, dans l’affaire Dreyfus, un rôle sur