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attendu longtemps, disent les délégués balkaniques ; à quoi bon le faire davantage ? L’intervention de l’Europe a échoué ; il a suffi, à Constantinople, de la conspiration de quelques soldats et de quelques politiciens pour mettre à néant ce qu’avait résolu le Grand Divan avec la solennité que l’on sait ; nous n’avons plus en face de nous un gouvernement qui nous offre la moindre garantie ; que pourrions-nous attendre ? — Les délégués balkaniques ont donc arrêté les termes d’une note de rupture qu’ils doivent remettre à Réchid pacha, le premier délégué ottoman. La remettront-ils ? Ils ne l’ont pas encore fait, et, alors même qu’ils le feraient, la rupture des négociations n’entraînerait pas nécessairement et ipso facto la reprise des hostilités. Il resterait encore à dénoncer l’armistice, et même après cette dénonciation, un délai de quatre jours devrait s’écouler avant qu’on tirât le premier coup de fusil. Plusieurs délégués restent à Londres à tout événement. Tout espoir ne sera donc pas perdu. Il n’est pas perdu, mais il est faible. Bien que les alliés aient tout à espérer du temps et qu’ils n’aient qu’à le laisser courir pour qu’Andrinople finisse par tomber entre leurs mains, l’impatience est, de leur part, naturelle. A quel sentiment, finalement, obéiront-ils ?

Quant à l’Europe, elle a tout à craindre de la reprise des hostilités. L’union des puissances a été, croyons-nous, sincère et loyale, mais elle est fragile et, devant une situation nouvelle, il est possible que chacun reprenne plus ou moins sa liberté. Le bruit court qu’une banque allemande ferait des avances d’argent au gouvernement ottoman, en échange d’une concession qui a été effectivement conclue et signée. Est-ce vrai ? On affirme, on nie : où est la vérité ? Quoi qu’il en soit, plusieurs puissances sont en armes : le moindre incident peut changer leurs dispositions, ou les amener à les avouer et à les réaliser. Alors les paroles de M. Poincaré, que nous avons rappelées plus haut, deviendront peut-être prophétiques. En présence des intérêts divers que les puissances ont, non seulement en Europe, mais en Asie, la diplomatie aura beaucoup à faire, si elle n’arrive pas à conjurer la guerre, pour réussir à la localiser.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.