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Actuellement, l’incertitude qui règne sur l’emploi des régimens de corps à la mobilisation permet d’y maintenir une instruction qui est théoriquement identique à celle des régimens de divisions de cavalerie. Les officiers font leur carrière presque indifféremment dans la cavalerie de corps ou dans la cavalerie indépendante. L’entrainement des régimens de corps doit être suffisant pour leur permettre de compléter ou même de former aux manœuvres des divisions provisoires dans lesquelles ils remplissent le même rôle que les régimens endivisionnés, et, en fait, ils ne sont qu’assez rarement inférieurs à leur tâche. En somme, la cavalerie française est une, par le recrutement et par l’instruction. Demain, il y aura deux cavaleries distinctes : l’une inférieure à l’autre et, partant, prête au découragement et à l’oubli de ses vertus spéciales. Plus cette situation durera, plus elle s’aggravera, parce qu’on ne voudra pas affaiblir la cavalerie endivisionnée en y rappelant les officiers qui, dans la nouvelle cavalerie de corps, auront pu perdre les qualités essentielles de l’arme.

D’après le projet de loi, 21 régimens seront dans cette situation. Est-ce une exagération de dire que voici la cavalerie française amputée de près du quart de son effectif ?

Ce point de vue a été à peine envisagé dans la discussion publique du projet de loi. Il n’a certainement pas échappé à ses auteurs, car le texte du projet et celui du rapport présentent deux traces importantes de cette préoccupation dans deux mesures par lesquelles on cherche à atténuer les inconvéniens que nous venons de signaler.

La première, c’est la mobilisation à six escadrons des régimens de corps. Trois de ces escadrons étant affectés aux trois divisions d’infanterie, il en reste trois groupés derrière le colonel et à la disposition du commandant du corps d’armée. Il nous semble malheureusement à craindre qu’une telle perspective soit inefficace pour inciter le régiment à la préparation du combat de cavalerie. Combien seront rares, combien invraisemblables, les circonstances où une si petite unité, loin de toute autre troupe de cavalerie, aura l’occasion de combattre ! Comment le colonel le plus ardent pourra-t-il détruire, à supposer qu’il ne le partage pas lui-même, le sentiment intime de ses subordonnés qui ne pourront s’empêcher de voir d’avance ces trois escadrons réduits à n’être qu’un dépôt de remonte, d’escortes et d’estafettes,