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que le drame va se dérouler entre Robert et Anne-Marie. « J’ai trouvé un admirable sujet, écrivait Alexandre Dumas fils à l’un de ses confrères. Un jeune homme et une jeune fille sont frère et sœur ; ils l’ignorent et ils s’aiment. Seulement, le sujet est trop difficile pour moi : je vous le laisse. » En route pour l’idylle tragique d’un frère et d’une sœur !

Malheureusement ce n’est pas cela du tout... Et telle est la déception que nous apporte le second acte. Une sympathie est-elle née entre Robert, devenu chez les Guéret l’enfant de la maison, et Anne-Marie ? Oui certes. Et Robert a-t-il vaguement entrevu l’espoir d’épouser quelque jour la jeune fille ? Cela va sans dire. Mais cette velléité d’un inceste qui s’ignore n’est qu’un ressort du drame véritable auquel nous allons assister et qui est le drame de l’industrie moderne, un épisode de la lutte entre le capital et le travail. Ah ! cela, nous ne nous y attendions pas... M. Guéret est le patron intelligent, actif, laborieux, énergique, mais entêté. Le mécontentement gronde parmi ses ouvriers. La grève est aux portes de l’usine. De quel côté va se ranger Robert ? Nous avons assisté à une scène un peu vive entre lui et Mme Guéret qui, affolée, l’a traité d’employé. Robert, furieux, prend parti pour les ouvriers. Cela nous paraît excessif, terriblement excessif, et insuffisamment expliqué. Est-ce la sourde haine du bâtard contre la société qui transforme soudain Robert en gréviculteur ? Oh ! alors, l’affreux petit drôle !

Et plus abominable encore que vous ne pouvez l’imaginer... La grève dure depuis deux mois. Des deux côtés on est à bout de résistance. Il faut en finir. C’est Robert qui apporte à M. Guéret l’ultimatum des grévistes. Ou M. Guéret acceptera des conditions humiliantes, ou l’usine va sauter. M. Guéret a vingt-cinq minutes pour se décider. Il est, nous le savons, le patron qui ne cède pas. En outre il est le mari qui croit avoir devant lui l’amant de sa femme. L’occasion est bonne à régler les deux comptes d’un coup. Il prend Robert à la gorge et va l’étrangler... Entre Mme Guéret ; « C’est mon enfant !... » Guéret desserre l’étreinte. Une détonation : l’usine saute... Comment se fait-il que Robert, qui d’un coup de téléphone pouvait empêcher l’explosion de la mine, n’ait pas rendu ce léger service à M. Guéret, dans la vie de qui il a par ailleurs apporté un si sérieux ennui ?

Le dernier acte s’encadre dans les décombres de l’usine. M. Guéret, qui renonce à diriger des ouvriers en France, va partir pour la Russie, afin d’y rejoindre la belle Mme Robinne. C’est compter sans « l’ingénue » à qui il appartient de raccommoder les familles. Une voix dans la