sonorités possibles et de celles-là mêmes qu'on peut à peine imaginer, le grand artiste polonais a littéralement accompli des miracles. Il a fait de la mélodie de Chopin dans l’andante surtout, une créature vivante, et de la vie totale, une âme exquise animant un corps harmonieux. En vérité, par la finesse, par les mille nuances d'un modelé sonore extraordinaire, on dirait que M. Paderewski donne à des phrases, à des notes, le coloris et la souplesse, l'éclat ou le velouté, la pulpe enfin de la chair elle-même. Chopin ne peut avoir été mieux joué par Chopin, avec une sensibilité plus profonde, avec une plus mystérieuse, plus idéale, et cependant plus humaine et plus émouvante poésie.
Si nous pouvions, à la fin de cette chronique, parler du Sortilège,
l'opéra de MM. Maurice Magre et André Gailhard, nous le ferions sans
rigueur. Le poème n'en est pas anti-musical, et la musique non plus.
Modérément originale, elle a, cette musique, de la clarté, du naturel
et de l'abondance, de la tenue et quelquefois du sentiment, voire de
la passion, le tout avec un air de jeunesse qu'osa ne point cacher le
musicien de vingt-cinq ans.