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REVUES ÉTRANGÈRES

A PROPOS D’UN LIVRE ANGLAIS
SUR LES OPÉRAS DE MOZART


Mozart’s Opéras, a critical Study, par Edward J. Dent, 1 vol. in-8, illustré, Londres, librairie Chatto et Windus, 1913.


Le très intéressant ouvrage nouveau de M. Dent s’ouvre fâcheusement par une erreur qui, celle-là, n’est pas du tout nouvelle, et aurait même de quoi nous fournir une preuve bien caractéristique de ce que je serais tenté d’appeler l’incroyable « crédulité » professionnelle des musicographes. Quelque plaisant s’est-il un jour avisé d’attribuer à Palestrina ou à Sébastien Bach une parole mémorable sur Napoléon ? nous pourrons être assurés de retrouver dorénavant cette parole dans toutes les études consacrées à Palestrina ou à Sébastien Bach, sans que jamais le critique le plus méfiant ou l’érudit le plus scrupuleux s’enhardisse à écarter du domaine de l’histoire musicale le monstrueux « pavé » qu’on y aura déposé. C’est ainsi que, — pour m’en tenir à ce seul exemple, — je citerais une cinquantaine au moins de livres sur Mozart où, parmi la liste des premières compositions de l’enfant-prodige salzbourgeois, figure, à la date de l’année 1768, une réduction pour quintette à cordes de la grande et fameuse Sérénade pour Instrumens à vent, ce qui est encore beaucoup plus extravagant, dans son genre, qu’il le serait d’attribuer la Légende des Siècles à un Victor Hugo de dix ou douze ans. Sur une copie manuscrite de la réduction de la sérénade, quelqu’un, — qui n’est certainement ni Mozart lui-même, ni aucun des siens, — a eu jadis l’étrange idée d’inscrire cette date de 1768 : et il n’en a pas fallu davantage pour que désormais les plus graves historiens de l’enfance de Mozart nous le fissent voir