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Pages. Que l’ouverture de la Flûte enchantée dérive expressément du premier morceau d’une Sonate en si bémol de l’original et profond Muzio Clementi, — exécutée jadis par celui-ci en présence de Mozart, — c’est ce que personne également n’oserait plus contester. Non seulement les deux morceaux sont construits sur le même « sujet » mélodique : d’un bout à l’autre de l’ouverture, nous devinons que Mozart « ‘est ressouvenu de l’élégante sonate de son confrère italien.

Mais surtout, c’est à ses propres compositions antérieures que Mozart a recouru, pour s’approvisionner de ces idées musicales qu’il n’avait pas le temps, — ou peut-être qu’il n’avait plus le courage, — d’inventer. Considérée à ce point de vue, la partition de la Flûte enchantée va jusqu’à nous faire l’effet d’un véritable « pot-pourri ; » et aussi ne saurait-on trop souhaiter que, renonçant enfin à vouloir nous renseigner sur les fabuleuses intentions « maçonniques » de Mozart, les musicographes prissent la peine de nous dresser un inventaire de ces « sources » où il a puisé les divers matériaux de son dernier opéra. Oui, Mozart s’est rappelé qu’il avait autrefois dépensé sa jeunesse à créer, avec une abondance juvénile, des chants d’une fraîcheur et d’une grâce merveilleuses, une foule de beaux chants dont lui seul désormais connaissait l’existence. A vingt ans notamment, pendant toute l’année 1776, un tel flot de beauté avait jailli de son cœur qu’il possédait maintenant au fond d’un tiroir, dans les manuscrits inutilisés de ses sérénades, de ses divertissemens, et de toute son œuvre instrumentale de cette période, un trésor incomparable de mélodies et de rythmes étonnamment adaptés à l’atmosphère lyrique de son nouvel opéra. Un tel trésor ne lui appartenait-il pas de plein droit, et n’était-il pas libre d’en user amplement, au lieu de s’épuiser une fois de plus à un pénible travail d’enfantement musical ? En fait, une douzaine au moins de figures caractéristiques ont passé des sérénades ou divertissemens de 1776 dans la partition de la Flûte enchantée ; et il est même arrivé parfois à Mozart de remonter plus haut, jusqu’à ses émouvantes sonates italiennes de 1773, tandis que, d’autre part, tous les morceaux qu’il avait composés pendant les premiers mois de 1791 lui ont également fourni quelques-uns des élémens musicaux du hâtif « pot-pourri » qu’il était en train de « bâcler » pour satisfaire l’impatience besogneuse de son providentiel « patron » et ami, l’imprésario Schikaneder.

Après quoi, il s’est trouvé que le « pot-pourri » est devenu un chef-d’œuvre, le plus original et le plus harmonieux des opéras de Mozart. Il s’est trouvé que l’opéra ainsi improvisé est devenu cette partition de