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perdue ne se retrouve pas toujours : il y a dans notre propre histoire un précédent fameux qui vient à tous les esprits et qu’on n’a, à Belgrade, nulle envie de renouveler. Voilà pourquoi les Roumains insistent et se montrent pressans. Il faut d’ailleurs avouer que, si la situation est délicate de leur côté, elle ne l’est guère moins du côté bulgare. Il y a à Bucarest et à Sofia deux rois d’importation étrangère que les deux pays acceptent et soutiennent sous la condition tacite qu’ils leurs apporteront des succès, et surtout des succès extérieurs. Cette condition a été admirablement réalisée jusqu’ici. Mais les peuples deviennent plus exigeans à mesure qu’ils sont mieux servis, et ces monarchies, sans racines lointaines dans le passé, n’en ont de solides dans le présent que si elles satisfont des exigences sans cesse renouvelées. Le roi de Roumanie a annoncé que sa parole serait entendue et son gouvernement en a donné à son tour l’assurance à la Chambre des Députés. Le bruit avait couru qu’on avait renoncé à Silistrie ; il a été officiellement démenti. Le conflit existe donc toujours, et si nous espérons que les deux pays, aussi bien que les deux gouvernemens, ne pousseront pas les choses à l’extrême, il n’y en a pas moins là ce qu’on a appelé autrefois un point noir à l’horizon. Les marins savent ce qui peut sortir du moindre point noir.

Est-ce aux préoccupations que cette situation inspire qu’il faut attribuer le changement de ton assez inopiné qui s’est produit en Allemagne à l’égard de l’Angleterre à propos de leurs armemens navals ? Avant de le rechercher, il importe de préciser exactement les faits, leur caractère véritable ayant été, au premier moment, quelque peu exagéré.

On a parlé, en effet, d’une entente entre l’Angleterre et l’Allemagne au sujet de leurs armemens, et nous ne voyons, au moins jusqu’à présent, rien qui puisse être qualifié d’entente. Ce mot signifie accord, et il n’y a, semble-t-il, aucun accord. Il y a seulement que, dans une Commission du Reichstag, le ministre de la Marine allemand, l’amiral de Tirpitz, a dit qu’au moins pour le moment, pour quelques années, il ne voyait pas d’inconvénient à se tenir, au point de vue des constructions navales, dans la proportion qu’a fixée le gouvernement britannique de 10 navires allemands contre 16 anglais. Ce n’est pas dans une simple chronique que nous pourrions même résumer l’histoire de toutes les tentatives qui ont été faites depuis quelques années pour amener, entre les deux pays, une diminution proportionnelle des constructions navales : nous nous contenterons de dire qu’en dépit de la bonne volonté qu’on y a souvent apportée de part et d’autre, elles ont