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toutes échoué. Et cela pour deux motifs principaux. Le premier est que chacun des deux pays, à tour de rôle, a estimé que tout engagement de ce genre serait une diminution de sa souveraineté, de son indépendance, qui, en pareille matière surtout, devait rester absolue. — Nous ferons, ont-ils dit, dans la mesure de nos ressources, tous les navires dont nous jugerons avoir besoin : faites de votre côté ce que vous voudrez, — Le second motif est que l’Allemagne ne s’est jamais restreinte à la question navale ; elle y a toujours mêlé des considérations politiques, soit qu’elle ait voulu obtenir de l’Angleterre l’engagement, que celle-ci n’a jamais pris, de garder la neutralité en cas de guerre, soit qu’elle ait voulu se faire attribuer, dans le domaine colonial, des avantages territoriaux. Le gouvernement britannique s’est toujours refusé à entrer dans l’une ou dans l’autre voie. La tentative la plus considérable qui ait été faite à ce sujet a eu lieu lorsque lord Haldane est allé à Berlin, non pas spontanément, mais pour satisfaire à une suggestion du gouvernement impérial, qui avait exprimé le désir de causer avec un membre du gouvernement anglais. Lord Haldane avait de nombreuses relations en Allemagne et il éprouvait lui-même des sympathies sincères pour ce pays ; il était partisan d’un rapprochement avec lui, si le rapprochement était possible ; cependant son voyage n’a pas produit de résultat ou, s’il en a produit un, ce résultat a été tout négatif : la difficulté de s’entendre est apparue insurmontable.

Le gouvernement allemand a repris alors ce qu’on peut appeler sa thèse fondamentale, à savoir qu’il était de sa dignité aussi bien que de son intérêt de ne subordonner ses constructions navales à aucune considération venue de l’étranger. Il prétendait conserver toute sa liberté. Le gouvernement anglais en a jugé de même pour lui. S’il avait cru un moment, ou, pour être plus exact, si quelques-uns de ses membres avaient cru qu’une entente, en vue de la modération des constructions navales, était possible avec l’Allemagne, cette erreur était dissipée et tout donnait à croire qu’elle ne renaîtrait pas. Il y a onze mois, en mars 1912, M. Winston Churchill, premier lord de l’Amirauté ou ministre de la Marine, a exposé avec force le point de vue anglais. — À quoi bon des négociations, a-t-il dit, des ententes, des accords ? La situation est très simple et elle peut être réglée unilatéralement. Sa supériorité maritime est pour l’Angleterre une question de vie ou de mort ; reste seulement à savoir dans quelle proportion cette supériorité doit être actuellement maintenue : 60 pour 100 est celle qui convient. — L’Angleterre n’avait plus qu’à