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produisait ; les candidats qui voulaient être élus à tout prix promettaient, contre des concurrens mieux éclairés ou plus consciencieux, la diminution de la durée du service militaire ; ils étaient élus en effet, les autres étaient battus. C’est tout ce travail de démolition qu’il s’agit de démolir maintenant ; il faut réagir contre ce long passé ; il faut faire entrer dans l’esprit du paysan, dont la masse compose la grande majorité du corps électoral, une vérité qu’on y a combattue, obscurcie, contestée, niée ; les élections prochaines, qui sont la principale préoccupation de la Chambre, en dépendent. Œuvre difficile, mais nécessaire ! La nécessité en est d’autant plus impérieuse qu’on a diminué de huit jours la durée des périodes d’exercices qui ont pour objet l’instruction des réserves. C’est toute une autre histoire : elle ressemble, hélas ! à la première. Quand on a raccourci la durée du service, on a dit que désormais la force principale de notre armée serait dans les réserves et qu’on maintiendrait celles-ci en haleine par des périodes d’exercices de 28 et de 13 jours. C’était un système ; nous préférions l’autre, celui d’une armée active à service prolongé ; mais enfin le système se soutenait. Qu’avons-nous vu ? Le pays a mal supporté ces dérangemens annuels qui gênaient ses habitudes ; une réaction s’est faite contre la durée des périodes d’exercices ; on en a proposé l’abréviation. Le gouvernement s’y est-il opposé ? Non, il a fait le contraire, il a sacrifié une fois de plus les intérêts permanens de l’armée à la popularité d’un jour. Celui qui s’y est opposé, c’est M. de Freycinet, qui a prononcé ce jour-là devant le Sénat un des discours les plus émouvans qu’ait entendus une assemblée politique. Mais le Sénat a passé outre, puisque le gouvernement l’y encourageait, et, après avoir affaibli l’armée active par la diminution du service sous prétexte que notre force militaire résidait surtout dans les réserves, on a affaibli à leur tour les réserves, de sorte que l’affaiblissement a été partout, dans l’armée active et dans l’armée de réserve, successivement, mais également atteintes par le même mal provenant de la même cause, la faiblesse des Chambres encouragée par celle des gouvernemens.

Ce sont là de tristes choses à rappeler : il faut le faire cependant pour montrer d’où sont sorties les conséquences inquiétantes que ‘tout le monde dénonce aujourd’hui. La responsabilité des gouvernemens antérieurs est écrasante ; celui d’aujourd’hui aura raison de s’en dégager. Les gouvernemens antérieurs avaient, non pas certes une excuse, mais une explication à leur conduite : ils ne croyaient pas à la possibilité de la guerre. Il est difficile au gouvernement actuel de partager