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qu’un à prendre puisque nous manquions d’hommes : c’était d’avoir sous les drapeaux trois classes au lieu de deux.

Nous n’étudierons pas aujourd’hui dans le détail le projet de loi; il serait d’ailleurs difficile de le faire dans une chronique ; un pareil travail demande un cadre plus large. On a dit que le projet était trop long, et nous craignons que cette critique ne soit fondée. Il aurait peut-être mieux valu réduire le texte à un petit nombre d’articles indispensables et renvoyer le reste à un règlement d’administration publique. L’inconvénient du projet plus étendu qui a été déposé sur le bureau de la Chambre est de provoquer les amendemens et, par conséquent, d’allonger une discussion qu’il y a intérêt, comme nous l’avons dit, à rendre rapide. L’esprit public est excellent aujourd’hui : ne lui laissons pas le temps de s’énerver. Il ne l’a pas fait jusqu’ici : tout au contraire, les tentatives d’obstruction des socialistes lui ont donné une force et un élan nouveaux. Tout le monde sent qu’il faut faire vite. L'attitude de l’opinion chez nous, son allure, son entrain ont produit le meilleur effet en dehors de nos frontières. L’Allemagne, qui paraît bien ne s’y être pas attendue, en a été étonnée. De là le changement de ton qui s’est produit dans la presse. Au début, les journaux allemands expliquaient les armemens par la nécessité de rétablir l’équilibre des forces en Orient : aujourd’hui, c’est l’ambition turbulente de la France qui les rend nécessaires. L’article de la Gazette de Cologne sera sans doute suivi de plusieurs autres, et nous nous en inquiéterions davantage, si nous n’étions pas habitués à nous entendre dénoncer comme les trouble-fête de l’Europe toutes les fois que l’Allemagne veut augmenter ses forces militaires : l’habitude émousse la sensibilité. Au surplus, nous nous intéressons moins à son opinion sur nous, qu’à celle de nos alliés et de nos amis. La rapidité et la fermeté de nos résolutions ont produit le meilleur effet en Russie et en Angleterre. Comment en aurait-il été autrement ? La Russie se rend fort bien compte que c’est plus encore contre elle que contre nous que sont prises les nouvelles mesures militaires qu’on accumule en Allemagne : il est donc tout naturel que nos alliés nous sachent gré de celles que nous prenons nous-mêmes et qui sont une garantie pour eux comme pour nous. Il est naturel aussi qu’ils joignent leur effort au nôtre et c’est ce qu’ils se disposent à faire ; leurs projets ne sont pas encore définitivement arrêtés, mais ils s’élaborent, et l’augmentation des forces allemandes aura bientôt une contre-partie à l’Est comme à l’Ouest. On annonce, en Russie, la prochaine création de trois nouveaux corps d’armée. Quant à l’Angleterre, elle suit avec une