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attention sympathique tous les détails de notre relèvement. L’ouverture du parlement, qui vient d’avoir lieu, a permis à M. Asquith de déclarer que, si l’Angleterre n’était liée par aucun engagement défini, elle entendait garder toutes ses amitiés. Mais qu’arriverait-il si notre élan venait à se ralentir et surtout hésitait et s’arrêtait ? Quelles pénibles déceptions chez les uns ! Quelles lourdes moqueries chez les autres ! Il aurait mieux valu cent fois ne rien faire que d’avoir tant annoncé et promis pour rester finalement à mi-route. Mais c’est un accident qui n’est pas à redouter. Tout le monde sent chez nous qu’à côté des raisons militaires si sérieuses qui nous ont imposé des résolutions énergiques, il y a aujourd’hui des raisons encore plus sérieuses de les exécuter. Ne pas le faire est impossible. On a dit autrefois qu’il fallait aboutir : c’est plus que jamais le moment de le répéter.

Nous avons parlé de la Russie : il semble que, depuis quelque temps, notre alliance avec elle, qui a toujours été très vivante, éprouve un surcroît de vitalité. De notre côté, nous prenons une part d’attention et de sympathie toujours très vive à ce qui se passe chez elle, et nous nous sommes intéressés, comme il convenait à des alliés et à des amis, aux fêtes qu’elle vient de célébrer du tri-centenaire des Romanof. Il y a trois cents ans, en effet, que cette illustre famille est entrée sur la scène du monde où elle était appelée à jouer un rôle si important. D’abord, elle a fait la Russie moderne; elle l’a tirée du chaos pour l’organiser en corps politique; puis elle l'a introduite comme une puissance de premier ordre dans la famille européenne dont l’histoire, à partir de ce moment, n’a plus été séparée de la sienne. Les fêtes russes devaient donc trouver et ont trouvé un écho en France. Mais si nous nous en sommes réjouis, la Russie s’est réjouie de son côté de ce qui se passait chez nous. Tous les Français ont été agréablement frappés de la lettre personnelle que l’empereur Nicolas a écrite à M. Poincaré lorsqu’il est entré à l’Élysée. Cette lettre n’était évidemment pas une œuvre protocolaire ; les sentimens qu’elle exprimait n’étaient même pas inspirés par les seuls intérêts politiques ; ils venaient du cœur, et avaient un caractère amical sur la sincérité duquel il était impossible de se méprendre. Depuis, et précisément à l’occasion du tri-centenaire, de nouvelles lettres ont été échangées entre M. le Président de la République et l’Empereur de Russie : elles n’ont pas été moins cordiales. On croyait entendre dans les paroles de l’Empereur et du Président les voix de deux grandes nations que rien ne sépare, que tout rapproche, et qu’une inclination véritable porte